Accueil > Actualités > Actualités scientifiques > Séquestration du carbone dans les océans et faculté d’adaptation du phytoplancton

La variabilité de la séquestration du carbone dans les océans atténuée par la faculté d’adaptation du phytoplancton

27-01-2015

Des chercheurs du Laboratoire d'océanographie de Villefranche (LOV/OOV, UPMC / CNRS) et du Laboratoire d'océanographie et du climat : expérimentation et approches numériques (LOCEAN-IPSL, UPMC / CNRS / MNHN / IRD) et de l’équipe BIOCORE (INRIA), en collaboration avec des chercheurs de la Scripps institution of oceanography (Université de Californie San Diego, États-Unis) et du Département des sciences de la Terre, de l'océan, et écologiques (Université de Liverpool, Royaume-Uni) viennent de quantifier l’influence, sur la séquestration du carbone par les océans, de la capacité du phytoplancton à s’acclimater 1 à un manque de nutriments azotés. Il s’avère que cette faculté d’acclimatation du phytoplancton a pour effet d’atténuer la variabilité de cette séquestration.

Le phytoplancton, premier maillon de la chaîne alimentaire marine, est à l’origine de la séquestration biologique du carbone dans les océans (pompe biologique du carbone). À l’échelle globale, cette séquestration est principalement limitée par le manque de disponibilité des nutriments dans la majeure partie de l’océan, et en particulier des nutriments azotés. Néanmoins, la grande plasticité stœchiométrique du phytoplancton lui permet de s'acclimater à son environnement. Ainsi, lorsque sa croissance est limitée par un manque de nutriments azotés, sa teneur relative en carbone (C) par rapport à sa teneur en azote (N), à savoir son rapport stœchiométrique carbone/azote ou C:N, peut augmenter. Autrement dit, le phytoplancton peut quand même continuer à assimiler du carbone.

Il s’avère donc que si les rapports C:N sont relativement constants au fond des océans, cela n'est pas le cas dans les couches de surface, là où le carbone est fixé par le phytoplancton. Néanmoins, la plupart des modèles utilisés actuellement pour simuler la croissance du phytoplancton, et donc la fixation biologique du carbone par l’océan, considèrent que son rapport stœchiométrique C:N est constant, quelles que soient les conditions environnementales. La prise en compte de la plasticité stœchiométrique du phytoplancton dans les modèles océaniques devrait donc permettre une meilleure estimation de la capacité des océans à fixer du carbone.

Des chercheurs du LOV, du LOCEAN et de BIOCORE, en collaboration avec des chercheurs issus d’institutions américaines et anglaises, ont réalisé des simulations à haute résolution de la dynamique annuelle du phytoplancton et de la production primaire dans l'Atlantique Nord. Pour ce faire, ils ont utilisé le modèle physique NEMO (dans sa configuration GYRE) couplé à une version du modèle biogéochimique LOBSTER 2 qui permet au rapport stœchiométrique C:N du phytoplancton de varier.

Ils ont ainsi pu quantifier l'impact de la plasticité stœchiométrique du phytoplancton sur la fixation du carbone par les océans à différentes échelles spatio-temporelles (méso-échelle et échelle saisonnière et régionale) : le fait que le rapport C:N du phytoplancton puisse varier permettrait au phytoplancton de fixer relativement plus de carbone lorsque les nutriments azotés sont limitants et relativement moins de carbone lorsqu’ils sont abondants. Cette flexibilité du rapport C:N aurait donc pour effet d’atténuer la variabilité, à toutes les échelles spatio-temporelles, de la séquestration du carbone par les océans.
Ces résultats montrent également que le rapport C:N est très variable sur une large gamme d’échelles spatio-temporelles ce qui va rendre difficile son estimation par des mesures in situ, en particulier à l’échelle de campagnes océanographiques ponctuelles.

 

Instantané du 16 avril du rapport C:N du phytoplancton à la surface de l’océan (molC/molN).

 

Moyenne annuelle du rapport C:N du phytoplancton à la surface de l’océan (molC/molN). Les lignes noires délimitent une région eutrophe (riche en éléments nutritifs) au nord et une zone oligotrophe (pauvre en éléments nutritifs) au sud.

 

Moyenne annuelle de l'efficacité de la fixation du carbone par le phytoplancton (en %) par rapport à une situation où le rapport C:N ne varie pas. Cette efficacité est calculée en pourcentage comme différence relative entre le rapport C:N de l'assimilation et le rapport C:N de Redfield (6.6 molC/molN).

 

Enfin, ces travaux vont permettre d’améliorer les modèles biogéochimiques utilisés dans les projections climatiques.
Ce travail a été réalisé dans le cadre du projet TANGGO financé par le programme LEFE piloté par le CNRS-INSU et par l'ARC Nautilus de l'INRIA.


Notes

  1. L'acclimatation est l'adaptation d'un organisme à son environnement sur une courte période de temps, ce qui la différencie de l'adaptation évolutive.
  2. Dans ce modèle, l’assimilation du carbone par le phytoplancton dépend de la lumière et de l’état physiologique des cellules (rapport C:N) et l’assimilation de l’azote dépend de la disponibilité des nutriments azoté et de l’état physiologique des cellules.


Source

Phytoplankton plasticity drives large variability in carbon fixation efficiency . Sakina-Dorothée Ayata, Marina Lévy, Olivier Aumont, Laure Resplandy, Alessandro Tagliabue, Antoine Sciandra & Olivier Bernard, Geophysical Research Letters,. DOI: 10.1002/2014GL062249



Contact

Sakina-Dorothée Ayata , LOV/OOV, Tél. : 04 93 76 38 63



Source : CNRS/INSU

Retour à la liste actualités scientifiques