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SOLAR-ISS, un nouveau spectre solaire de référence

14-11-2017

La mesure précise du spectre solaire hors atmosphère et de sa variabilité constituent une entrée fondamentale pour la physique solaire 1 , la photochimie atmosphérique terrestre et le climat de la Terre 2 . Le rôle de la variabilité solaire sur le changement climatique reste un sujet d’intérêt scientifique et sociétal fort. Une équipe scientifique internationale incluant des scientifiques du LATMOS-IPSL a déterminé avec précision un nouveau spectre solaire de référence à partir des mesures réalisées par l’instrument SOLAR/SOLSPEC à bord de la station spatiale internationale. Cette étude a été publiée dans le journal Astronomy and Astrophysics le 24 octobre 2017.

Le Laboratoire Atmosphères, Milieux, Observations Spatiales - LATMOS-IPSL (CNRS/UPMC/Université St Quentin) travaille sur l’éclairement solaire spectral et sa variabilité depuis les années 1970. Le LATMOS a acquis une notoriété internationale indéniable, notamment avec le spectre solaire de référence ATLAS-3. L’étude publiée récemment 3 a permis d’aller plus loin et d’élaborer un nouveau spectre solaire de référence couvrant les domaines de longueurs d’onde allant de l’ultraviolet lointain (165 nm) à l’infrarouge (3000 nm). Le nouveau spectre solaire de référence (SOLAR-ISS) a été obtenu à partir des mesures réalisées par l’instrument « SOLar SPECtrometer » (SOLSPEC) de la charge utile SOLAR à bord de la station spatiale internationale (Figure 1). SOLAR/SOLSPEC est le fruit d’une longue collaboration entre le LATMOS et l’Institut royal d’Aéronomie Spatiale de Belgique (IASB). Ce type d’instrument avait déjà permis la mesure du spectre solaire lors de plusieurs missions spatiales (ESA et NASA).


Instrument SOLAR/SOLSPEC à bord de la station spatiale internationale. Entre le 5 avril 2008 et le 15 février 2017, SOLAR/SOLSPEC a observé le Soleil sans subir aucune anomalie


Les différents domaines de la physique mettent en évidence la nécessité de disposer d’un spectre solaire de référence absolu avec des incertitudes connues. SOLAR-ISS (Figure 2) représente un nouveau spectre solaire de référence avec une précision connue. Avant la mise en orbite de l’instrument SOLAR/SOLSPEC en février 2008, un étalonnage radiométrique a été réalisé au sol en utilisant le corps noir du Physikalisch-Technische Bundesanstalt (PTB) comme étalon primaire. Les mesures réalisées au PTB ont permis d’obtenir les coefficients d’étalonnage de l’instrument SOLAR/SOLSPEC en fonction de la longueur d’onde. Les incertitudes des coefficients d’étalonnage introduisent des erreurs au niveau de la détermination absolue du spectre solaire mesuré par SOLAR/SOLSPEC (environ 1.26% d’erreur sur tout le spectre). SOLAR-ISS est le premier spectre solaire obtenu hors atmosphère sur une gamme de longueur d’onde allant de 165 à 3000 nm avec un niveau d’incertitude faible et connu. Au-delà de 1500 nm, SOLAR-ISS présente des différences significatives avec d’autres spectres de référence (NASA CV-990 (1996), ATLAS-3 (2003), WHI2008 (2009)). Par ailleurs, l’équipe scientifique en charge de l’instrument dispose d’une traçabilité complète des fonctions d’appareil du spectromètre SOLAR/SOLSPEC qui permettent d’établir un spectre à haute résolution sans aucune ambiguïté. L’article publié dans Astronomy and Astrophysics fournit les principaux résultats de cette étude. Les données du nouveau spectre solaire de référence ont été transmises au Centre de Données astronomiques de Strasbourg (CDS), qui gère la collecte et à la distribution dans le monde entier de données astronomiques.


SOLAR-ISS, un nouveau spectre solaire de référence avec des incertitudes faibles et connues sur toute une gamme de longueur d’ondes. SOLAR-ISS est caractéristique d’un minimum d’activité solaire (avril 2008).


Influences de la variabilité du spectre solaire sur l’ozone stratosphérique


Les données de l’instrument SOLAR/SOLSPEC vont aussi permettre de suivre sur presqu’un cycle solaire (de 2008 à 2017) la variabilité spectrale de l’éclairement solaire. Il s’agit de données essentielles et précieuses pour la modélisation du climat de la Terre avec les modèles climatiques de chimie de l’atmosphère. En effet, on sait désormais que l’influence de la variabilité solaire sur l’atmosphère et le climat de la Terre est associée à des mécanismes extrêmement complexes et que leur compréhension ne peut être réduite à de simples considérations vis à vis du bilan radiatif de la Terre. Les variations spectrales de l’éclairement solaire (influence de la longueur d’onde) jouent un rôle significatif au niveau de la chimie de l’atmosphère et du climat de la Terre. Au cours d’un cycle solaire de 11 ans, la variabilité dans l’UV est par exemple beaucoup plus élevée (~5-10%) que celle de l’éclairement solaire total (0.1%). Les perturbations du rayonnement UV n’affectent cependant pas directement la basse atmosphère (troposphère ; 0-10 km) mais la moyenne atmosphère (stratosphère/mésosphère 10-90 km), où le rayonnement UV est absorbé par l’ozone et l’oxygène moléculaire. Les fluctuations UV modulent directement la concentration de l’ozone et la température dans la moyenne atmosphère. Ces perturbations induisent des changements dynamiques qui peuvent affecter la circulation troposphérique par les couplages stratosphère-troposphère. Une meilleure compréhension de l’influence de la variabilité solaire UV sur le climat nécessite donc une connaissance précise du forçage radiatif et des perturbations directes que ses fluctuations entraînent.


Les chercheurs du LATMOS ont ainsi quantifié l’impact des variations UV du cycle solaire rotationnel de 27 jours sur l’ozone dans la stratosphère à l’aide d’observations satellitaires et de simulations du modèle de chimie climat LMDz-Reprobus. Comme le montre la Figure 3, le modèle est capable de simuler avec précision le signal solaire de l’ozone observé. L’utilisation d’un grand ensemble de simulations LMDz-Reprobus a cependant révélé que la variabilité interne de la stratosphère contribue à masquer la réponse de l’ozone au cycle solaire de 27 jours et que des séries d’ozone à long terme sont nécessaires pour obtenir une estimation robuste du signal. En général, 10 ans d’analyse permettent de réduire l’incertitude du signal solaire de l’ozone à moins de 20%. Ces résultats pourraient expliquer les divergences passées dans les estimations du signal solaire de l’ozone qui furent déduites sur des périodes d’observations satellitaires différentes et généralement courtes (moins de 2 ans). La prochaine étape consiste à utiliser les données SOLAR/SOLSPEC au cours du cycle solaire 24 (de 2008 à 2017).


Cohérence entre le flux solaire UV et la série temporelle d’ozone tropical stratosphérique (50-1 hPa) (à gauche) mesurée par Aura MLS et (à droite) simulée par le modèle LMDz-Reprobus dans sa configuration guidée (c.-à-d. la dynamique est rappelée vers la ré-analyse météorologique) sur la période 2004-2007. L’observation et les résultats des modèles montrent une réponse d’ozone cohérente et significative au flux solaire UV qui semble centrée sur une période de 27 jours et à 10 hPa (~ 30 km).



Notes

  1. Modélisation du Soleil
  2. Modélisation du climat terrestre
  3. M. Meftah, L. Damé, D. Bolsée et al., 2017


Sources

SOLAR-ISS: A new reference spectrum based on SOLAR/SOLSPEC observations , M. Meftah, L. Damé, D. Bolsée, A. Hauchecorne, N. Pereira, D. Sluse, G. Cessateur, A. Irbah, J. Bureau, M. Weber, K. Bramstedt, T. Hilbig, A. Sarkissian, R. Thiéblemont, M. Marchand, F. Lefèvre, S. Bekki,Astronomy and Astrophysics, November 2017. 


Sensitivity of the tropical stratospheric ozone response to the solar rotational cycle in observations and chemistry-climate model simulations , Thiéblemont R., M. Marchand S. Bekki, S. Bossay, F. Lefèvre, M. Meftah and A. Hauchecorne, Atmos. Chem. Phys., 17, 9897-9916, 2017. 



Contacts

Mustapha Meftah , LATMOS-IPSL, Tél. : 01 80 28 51 79

Rémi Thieblemont , LATMOS-IPSL, Tél. :  01 44 27 48 72

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