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Premiers résultats pour l’ExoMars Trace Gas Orbiter

12-04-2019

Avec les chercheurs et ingénieurs du CNRS, de l’université Paris Saclay et de Sorbonne Université, et le soutien financier du CNES, les laboratoires français jouent un rôle majeur dans la mission ExoMars Trace Gas Orbiter de l’ESA qui délivre ses premiers résultats ce 10 avril 2019. Ils ont participé à la conception de l’instrument Atmospheric Chemistry Suite (ACS), qui permet la détection de molécules d’eau, de méthane et d’autres composants de l’atmosphère martienne, et joué un rôle majeur dans l’exploitation des données recueillies. Celles-ci forment la base des résultats présentés dans deux articles publiés dans Nature le 10 avril 2019 : l’un d’entre eux conclut à la non-détection de méthane martien et le second étudie l’effet d’une tempête globale sur la vapeur d’eau martienne.

TGO emploie l'occultation solaire, qui consiste à étudier la lumière du soleil directement à travers l’atmosphère de la planète sondée. Les molécules présentes sur le chemin de la lumière laissent une empreinte spécifique qui permet de distinguer la molécule présente et sa quantité. Par cette technique, le signal obtenu est 1 million de fois plus puissant que par une losque'on regarde Mars directement.

Deux instruments à bord de TGO, ACS et NOMAD, ont effectué leurs premières mesures de l'atmosphère à très haute résolution spectrale en occultation solaire en examinant la manière dont la lumière solaire directe est absorbée par l'atmosphère et comment les spectres infrarouges mesurés révèlent les signatures des composés gazeux et leur concentration associée.


ACS et NOMAD ont ainsi entamé l’inventaire le plus détaillé à ce jour des gaz trace dans l'atmosphère de Mars, objectif principal de la mission. Ces gaz martiens en quantités trace nécessitent des moyens de mesure extrêmement précis, de ceux que TGO emploie, pour identifier et isoler leurs signatures infrarouges. Les gaz trace se mesurent généralement en "parties par milliard en volume " (ppbv). Sur Terre, le méthane terrestre, autour de 1800 ppbv, ne compte que 1800 molécules parmi un milliard de molécules d’air.


Le méthane martien représente un enjeu scientifique majeur, car sur Terre le méthane est à 90 % d’origine biologique. Sur Mars, le méthane ne peut survivre dans l’atmosphère que pendant quelques centaines d'années, ce qui suffit largement à le répandre uniformément sur toute la planète en raison de la circulation atmosphérique martienne intense. Toute détection de la molécule implique donc qu'elle a été émise “récemment” au sens géologique - même si celle-ci fut produite dans le sous-sol des millions d'années avant.


Les observations qui ont révélé l’existence du méthane sur Mars ont fait l'objet d'intenses débats et de controverses car ces détections très sporadiques et très localisées, ont souvent frôlé la limite de détection des instruments concernés. L’orbiteur de la mission Mars Express de l'ESA a fourni la première détection en 2004 avec une moyenne dépassant 10 ppbv. Depuis la Terre, des télescopes ont également fait une détection analogue, atteignant les 45 ppbv, tandis que le rover Curiosity de la NASA, qui explore le cratère Gale depuis 2012, a établi qu’un fond permanent de méthane varie avec les saisons entre 0,2 et 0,7 ppbv - ponctué de quelques bouffées dix fois plus concentrées, l'une d'elles venant tout juste d’être confirmée par Mars Express.


Pourtant, les résultats de TGO publiés aujourd’hui dans Nature, censés constituer l'analyse globale du méthane la plus détaillée à ce jour, ne recensent aucune détection du méthane et établissent à la place une limite supérieure à 0,05 ppbv, 10 à 100 fois plus faible que toutes les détections répertoriées. Cette limite descend même jusqu’à 0,012 ppbv dans un cas de mesure effectué à 3 km au-dessus de la surface.


En l’état, ces mesures TGO, d’une précision inégalée, s’apparentent plutôt à une absence globale de méthane, en contradiction avec les détections passées. Pour arriver à réconcilier les différents jeux de données et expliquer la transition rapide entre les panaches observés précédemment et l’absence de détection établie aujourd’hui par TGO, il faut invoquer un mécanisme pouvant éradiquer rapidement le méthane près de la surface, mécanisme dont l’existence reste à ce jour inconnue.


En parallèle, TGO a observé la tempête de poussière globale qui a affecté la vapeur d'eau, en mesurant sa distribution verticale et pour la première fois celle de son isotope, l'eau “lourde” qui comporte un atome de deutérium à la place d’un atome d’hydrogène. Ces mesures couvrent la basse atmosphère jusqu’à plus de 80 km d'altitude. Ces nouveaux résultats constituent une avancée considérable pour retracer l’histoire de l’eau sur Mars. En effet, on a coutume d’interpréter cette histoire avec l’excès important d’eau deutérée sur Mars, qui est 5 à 6 fois plus concentrée que celle des océans terrestres, ce qui attesterait de l’effet d’un échappement amplifié de l’hydrogène vers l’espace au cours du temps, puisque celui-ci est deux fois plus léger que le deutérium.


Avant la tempête globale, TGO révèle que l'eau est confinée sous les nuages de glace, alors que pendant la tempête, le réchauffement atmosphérique permet à l’eau d’atteindre des altitudes beaucoup plus élevées. Cet effet semble renforcé pour l’eau deutérée, conformément aux attentes. De fait, TGO devrait voir le rapport D/H changer avec la saison et la latitude. Grâce à ces mesures, la théorie prévalant pour D/H pourra être éprouvée pour la première fois à un niveau de détail jamais atteint, nous ouvrant les portes de l’histoire de l’eau martienne.


Un panorama des premiers résultats obtenus par TGO dans sa quête pour mesurer le méthane martien. L’absence de détection s’est traduite en estimation de limites supérieures, limites au-delà de laquelle une détection se produirait. Les valeurs recensées en ppbv (nombre de molécules de méthane par milliards de molécules d’air martien) sont de 10 à 100 fois inférieures aux détections passées, avec en moyenne une limite située 0.05 ppbv.


Les laboratoires français impliqués dans le projet

Avec le soutien financier du CNES, et le support humain fourni par le CNRS, l’université Paris Saclay et Sorbonne Université, les laboratoires français jouent un rôle majeur dans la mission Trace Gas Orbiter. Ils ont participé à la conception de l’instrument Atmospheric Chemistry Suite (ACS) et actuellement  à l’exploitation de ses observations. ACS est sous la responsabilité du Space Science Institute (IKI) de Moscou alors que le LATMOS1, en France, en assure la co-responsabilité scientifique et prend une large part au segment sol d’ACS pour assurer le traitement et l’analyse des données du canal ACS MIR opérant dans l’infrarouge moyen. Le LMD2 est directement impliqué dans la coordination scientifique des différents instruments de la mission en tant que « Interdisciplinary Scientist » ESA. Il est aussi en charge de la production et l’analyse des données en température issues du canal ACS infrarouge thermique. Des chercheurs du laboratoire du LESIA3, de l’IAS4, du LGL5 contribuent à l’analyse scientifique des données ACS produites. Le GEOPS6 contribution scientifiquement en tant que « Guest Investigator » au niveau mission. Tous les laboratoires cités ont fortement contribué à l’élaboration des résultats et au texte qui ont mené aux deux articles.


  1. Laboratoire atmosphères, milieux, observations spatiales (LATMOS-IPSL, CNRS/UVSQ/Sorbonne Université)
  2. Laboratoire de météorologie dynamique (LMD-IPSL, CNRS, ENS Paris, Ecole Polytechnique, Sorbonne Université, Ecole Pont)
  3. Laboratoire d'études spatiales et d'instrumentation en astrophysique (LESIA, CNRS/Observatoire de Paris-PSL/Sorbonne Université/Université Paris-Diderot)
  4. Institut d'astrophysique spatiale (IAS, CNRS/Université Paris-Sud)
  5. Laboratoire de géologie de Lyon (CNRS/ENS Lyon/Université Claude Bernard)
  6. Géosciences Paris-Sud (GEOPS-IPSL, CNRS/Université Paris-Sud)



Télécharger le communiqué de presse de l'ESA



Sources


Contacts


Source : INSU

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