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Pollution persistante aux particules fines, à grande échelle, due à une éruption volcanique

08-01-2020

L’éruption Holuhraun du volcan islandais Bárðarbunga en 2014-2015 a généré, de la France jusqu’au nord de la Scandinavie, une vaste pollution de l’air au dioxyde de soufre gazeux mais également aux particules fines et persistantes que sont les aérosols sulfatés. C’est ce que vient de montrer une équipe internationale (1) après avoir analysé les observations du réseau européen de mesures au sol de la qualité de l’air EMEP (European monitoring and evaluation programme) et des mesures issues d’une technologie récente permettant le suivi de la composition chimique des aérosols par spectrométrie de masse.

Les éruptions volcaniques émettent des quantités importantes de dioxyde de soufre (SO2), un gaz qui se transforme par oxydation au contact de l’atmosphère en fines particules appelées aérosols sulfatés (SO4). Ces particules fines sont étroitement surveillées car elles détériorent la qualité de l’air et peuvent avoir des conséquences néfastes sur la santé. En raison de leur petite taille, elles peuvent en effet pénétrer profondément dans les poumons, exacerbant les symptômes d’asthme et les maladies cardio-respiratoires.


Quelles sont les zones géographiques affectées par ce type de pollution d’origine volcanique ? Combien de temps de telles pollutions peuvent-elles durer ? Peut-on distinguer cette pollution d’origine volcanique des pollutions industrielles anthropiques ?


Une équipe internationale 1 a étudié l’effet de la dernière éruption islandaise, l’éruption Holuhraun du volcan Bárðarbunga en 2014-2015, sur la pollution soufrée de l’air en Europe, en utilisant les observations du vaste réseau de mesures au sol de qualité de l’air EMEP (European monitoring and evaluation programme).


Il s’avère que cette éruption a provoqué une large pollution en SO2 et SO4 en Europe, depuis la France jusqu’au nord de la Scandinavie. La pollution gazeuse en SO2 dans ces régions s’est en effet révélée être essentiellement d’origine volcanique. En revanche, la source de la pollution particulaire en sulfates (SO4) a été plus complexe à établir du fait de sa persistance pendant plusieurs semaines. Les chercheurs ont néanmoins pu montrer, grâce à une analyse complexe de rétrotrajectoires, que les émissions de l’éruption Holuhraun représentaient l’une des principales sources de ces aérosols sulfatés, en concurrence avec les émissions industrielles d’Europe de l’Est ou de Grande-Bretagne. Ces analyses ont également permis de montrer à quelle vitesse la concentration en sulfates augmentait au cours du temps dans le panache volcanique.


Sources de SO2 (a) et SO4 (b) expliquant les concentrations mesurées au sol en septembre et octobre 2014 à huit stations du réseau EMEP en Europe du Nord [cercles vert clair, (c)]. Densité de trajectoire (log du temps de résidence) (c). Contribution à la pollution atmosphérique du volcanisme islandais (zones vertes A et C) et des sources anthropiques (zones roses B et D). Émissions de SO2 en 2013 (cercles vert foncé, catalogue de Fioletov et al. 2016).

 


Les chercheurs ont par ailleurs effectué une analyse couplée d’observations satellitaires et de mesures in situ au sol dans des environnements proche et éloigné d’activités industrielles fortement émettrices de soufre. Ces mesures sol résultaient notamment d’une technologie récente permettant le suivi de la composition chimique des aérosols par spectrométrie de masse ACSM (Aerosol chemical speciation monitor) mise en œuvre sur deux sites, à Dunkerque et au SIRTA (Site instrumental de recherche par télédétection atmosphérique) près de Palaiseau.


Cette analyse a révélé que les aérosols volcaniques avaient une signature chimique distincte de celle des aérosols de fond en environnement urbain ou rural et qu’il était également possible de distinguer les sulfates volcaniques des sulfates industriels nouvellement émis.


Observations satellitaires OMPS du panache de SO2 émis par l’éruption Holuhraun et atteignant la France en septembre 2014 (a, b). Séries temporelles des concentrations massiques au sol, à Dunkerque, en aérosols sulfatés (mesures ACSM - rouge) et en gaz SO2 (mesures de fluorescence UV - gris) (c).

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 




Jusqu’à présent, la plupart des études avaient porté sur le SO2, un traceur non ambigu du panache volcanique. Cependant, alors que la pollution en SO2 disparaît en quelques jours, la longue persistance de la pollution en sulfates volcaniques, qui peut se propager à une échelle continentale comme le montre la présente étude, repose la question de l’impact des éruptions et des activités persistantes de dégazage volcanique hors éruption sur la qualité de l’air, la santé et plus généralement la chimie de l’atmosphère et le climat.



Notes

  1. Les laboratoires et instituts français impliqués sont le Laboratoire d’optique atmosphérique (LOA, Université de Lille / CNRS), l’Institut national de l’environnement industriel et des risques (INERIS), l’Institut mines-télécom (IMT Lille Douai, Université de Lille), le Laboratoire des sciences du climat et de l’environnement (LSCE-IPSL, CNRS / CEA / Université Versailles St-Quentin) et le Laboratoire de physico-chimie de l’atmosphère (LPCA, Université du Littoral Côte d’Opale).


Source

Boichu, M., Favez, O., Riffault, V., Petit, J.-E., Zhang, Y., Brogniez, C., Sciare, J., Chiapello, I., Clarisse, L., Zhang, S., Pujol-Söhne, N., Tison, E., Delbarre, H., and Goloub, P.: Large-scale particulate air pollution and chemical fingerprint of volcanic sulfate aerosols from the 2014–2015 Holuhraun flood lava eruption of Bárðarbunga volcano (Iceland), Atmos. Chem. Phys., 19, 14253–14287, https://doi.org/10.5194/acp-19-14253-2019, 2019



Financement

Cette étude a été financée par l’ANR dans le cadre du projet VOLCPLUME et par la région Hauts-de-France. Les données de spectrométrie de masse à Dunkerque et au SIRTA ont été respectivement financées par le Laboratoire d'excellence physique et chimie de l'environnement atmosphérique (Labex CaPPA) d’une part et par l’infrastructure ACTRIS-FR et le programme CARA du Laboratoire central de surveillance de la qualité de l'air (LCSQA) d’autre part. Les observations photométriques sont financées par le Service national d’observation Photons-Aeronet. Enfin, les mesures au sol de SO2 en France sont issues du réseau de surveillance de la qualité de l’air géré par les associations Atmo Hauts-de-France et AIRPARIF.



Contact IPSL

Jean-Eudes Petit , Tél. : 01.69.08.24.01



Source : INSU

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