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Observation du nuage du volcan islandais Eyjafjöll par les chercheurs de l'IPSL

20-04-2010

L’éruption du volcan islandais qui a cloué au sol l’aviation européenne a été observée par les moyens d’observations sol et aéroportés disponibles à l’Institut Pierre-Simon Laplace. Les chercheurs du LATMOS (1) (CNRS/UPMC/UVSQ), du LMD (2) (CNRS/UPMC/ENS/Ecole polytechnique), du LSCE (3) (CNRS/CEA/UVSQ) et du SIRTA (4) ont analysé les observations récentes pour apporter des informations combinées sur l’évolution du panache de cendres consécutif à l’éruption, afin d’étudier sa distribution spatiale (à l’aide d’observation satellites) et de surveiller à quelle altitude les particules se déplacent (à l’aide de mesures sol et par satellite).

Evolution du panache au-dessus de l’Europe vue par la mission IASI/MetOp

Volcan islandais : données du satellite IASI

Figure 1 : Etendue et déplacement du panache de cendres mesuré par l’instrument IASI à bord du satellite MetOp, entre le 15 avril jusqu'au 20 avril. Les couleurs jaunes à rouge indiquent de fortes concentrations en particules.


La figure 1 permet de suivre la distribution spatiale du panache de cendres à travers l’Europe, depuis le jour de l’éruption, jusqu’à ce mardi 20 avril. Les images de ce lundi matin montrent une nouvelle émission importante de cendres. Ces cartes sont dérivées des mesures en radiances infrarouge obtenues par l’instrument français IASI à bord de la plate-forme européenne MetOp. Le signal est analysé pour mesurer les concentrations en dioxyde de soufre, en cristaux de glace et en poussières de cendre consécutivement à l’éruption. Ces travaux ont été possibles grâce à un partenariat entre une équipe du LATMOS et le groupe de recherche de spectroscopie atmosphérique de l’Université Libre de Bruxelles. L’instrument IASI, construit par le CNES, permet une surveillance continue de la composition atmosphérique avec une couverture globale deux fois par jour. La mission est prévue pour durer 15 ans (3 IASI successifs, le prochain sera lancée en 2012).



Observation du panache par la mission spatiale CALIPSO

La figure 2 montre les mesures effectuées par l’instrument CALIOP à bord du satellite CALIPSO le 17 avril entre 1:52 et 2:15 TU (temps universel). L’instrument CALIOP est un lidar qui détecte les profils d’aérosols et de nuages le long de la trajectoire du satellite. La trace du nuage de cendres (entourée) consécutif à l’éruption du volcan est bien visible sur la figure.
Les observations effectuées par la mission CALIPSO sont développées en collaboration entre la NASA et le CNES.


Volcan islandais : données du satellite CALIPSO

Figure 2 : Profil en altitude des aérosols mesurés par l’instrument CALIOP à bord du satellite CALIPSO. L’axe horizontal donne la position du satellite. Le panache provoqué par l’éruption est entouré. Il passe au-dessus de Paris.



Mesures de l’altitude du panache par lidar à partir de stations sol

Les figures 3 et 4 ci-dessous représentent des coupes verticales du contenu en aérosols dans l’atmosphère, respectivement au-dessus de Palaiseau (SIRTA, site instrumenté de l’IPSL) et au-dessus du centre de Paris (station QUALAIR de l’Université Pierre et Marie Curie).


Sur la figure 3, le panache de cendres consécutif à l’éruption est visible le 16 avril à partir de 15h vers 6 km d’altitude et il descend au cours du temps. Un second panache, vraisemblablement d’origine volcanique, est également visible autour de 3 km d’altitude en fin de soirée du 18 avril et jusqu’au 19. Le SIRTA est une plateforme instrumentée de l’IPSL basée à l’Ecole polytechnique à Palaiseau. Il regroupe plusieurs instruments qui mesurent la composition de l’atmosphère. Les données ci-dessous sont celles du lidar nuages aérosols (LNA) opérationnel depuis 1999.

L'équipe technique du SIRTA (5) a permis de collecter les données depuis l'arrivée du nuage de cendres le 16 avril jusqu'à aujourd'hui et continue de surveiller cet événement unique.


Volcan islandais : données de la plateforme du SIRTA

Figure 3 : Distribution verticale d’aérosols mesurée par le site instrumenté SIRTA de l’IPSL localisé sur le campus de l’Ecole polytechnique à Palaiseau.


Sur la figure 4, le panache de poussières volcaniques d’un kilomètre d’épaisseur est visible vers 6 kilomètres d’altitude le 16 avril 2010 à partir de 15h, comme à Palaiseau. Il descend ensuite vers 2 kilomètres et se mélange partiellement avec la couche limite les jours suivants. Le second panache observé à Palaiseau est aussi visible à Paris le 19 avril vers 3 kilomètres d’altitude. Ces mesures ont été obtenues par la plate-forme QUALAIR opérée conjointement par le LATMOS et le LPMAA, avec le soutien de l'Université Pierre et Marie Curie (UPMC) et de l'Institut Pierre Simon Laplace (IPSL).


Volcan islandais : Données de la plateforme QUALAIR

Volcan islandais : données de la plateforme QUALAIR

Figure 4 : Distribution verticale d’aérosols mesurée par la station QUALAIR localisée sur le campus de l’Université Pierre et Marie Curie. A gauche, le 16 avril ; à droite, le 19 avril. © E. Dieudonné (LATMOS-IPSL)



Comparaison entre les données et un modèle de transport du panache

Les modèles de trajectoire des masses d'air (6) utilisent des analyses météorologiques et aident à comprendre comment le panache de cendres se disperse. Les deux figures qui suivent permettent de comparer ce qui est vu par un lidar embarqué sur un satellite défilant (expérience CALIPSO, collaboration NASA/CNES) et par un lidar fixe au sol (SIRTA) et la position supposée du panache calculée par le modèle. A gauche, sur la carte de l’Europe, la trace du satellite CALIPSO est représentée en noir. Les quatre courbes en couleur représentent les trajectoires d’un panache de particules qui seraient émises à 6 km d’altitude à 00 TU (rouge), 06 TU (bleu foncé), 12 TU (vert) et 18 TU (bleu clair) le 15 avril. Sous la carte de l’Europe, l’évolution temporelle de l'altitude de ces mêmes panaches de cendres peut être comparée aux observations lidar qui permettent de vérifier l'altitude des panaches.


Volcan islandais : modèle et données CALIPSO

Les données du satellite CALIPSO (à droite) sont mise en regard des résultats d'un modèle (à gauche)


En se déplaçant vers le sud, le satellite CALIPSO croise le nuage vers 2km d’altitude dans le Nord-Pas de Calais et à des altitudes plus hautes (jusqu’à 5-6 km) en allant vers les environs de Rodez. La modélisation montre qu’il est possible de trouver des cendres à des altitudes plus élevées si elles ont été émises tardivement et si le rayon de courbure de la trajectoire sur l'Europe est plus large (voir en particulier les courbes bleu foncé et rouge sur le schéma du bas, à gauche).


En ce qui concerne les données du lidar fixe à Palaiseau, les observations montrent que les particules d'aérosols émises tardivement (trajectoire bleu claire) arrivent sur Paris plus rapidement et à plus haute altitude le 17 avril (3,3 km d’altitude à 02 TU) que celles émises le matin (trajectoire rouge) qui arrivent plus lentement et qui ont donc pu descendre jusqu’à 2,2 km d’altitude. A nouveau une excellence cohérence existe entre les observations et la modélisation du transport du panache.


Volcan islandais : modèle et données du SIRTA

Les données du lidar du SIRTA (à droite) sont mise en regard des résultats d'un modèle (à gauche)

Ceci montre combien les conditions météo jouent un grand rôle dans la dispersion des panaches. Pour le suivi opérationnel du nuage et la prévision de son étendue et de son altitude, la qualité des prévisions météorologiques est donc suffisante pour une analyse fiable de la position du panache.


Par ailleurs, l'IPSL participe activement au projet européen Monitoring Atmospheric Composition and Climate ( MACC ) qui délivre des prévisions sur l'étendue du nuage .



Contribution de la recherche au système d'alerte international

Du fait des risques encourus par les avions de ligne traversant un nuage de cendres volcaniques, l’Organisation de l’aviation civile internationale a mis en place la veille volcanique des routes aériennes internationales. En effet, les fines particules de cendres éjectées à haute altitude lors des éruptions endommagent les moteurs et l’électronique des avions, et réduisent la visibilité des pilotes. Le globe a été divisé en neuf zones dont la surveillance est placée sous la responsabilité des VAAC (Volcanic Ash Advisory Centers). A l'intérieur de leur zone de responsabilité, ces VAAC doivent localiser et prévoir le déplacement, pendant les heures qui suivent l'éruption, des nuages de cendres volcaniques qui représentent un danger potentiel. Le VAAC placé sous la responsabilité de Météo-France sur son site de Toulouse a la charge de la région Europe-Afrique. Le VAAC de Londres a la responsabilité de la zone dans laquelle se trouve le volcan islandais. Grâce à l'analyse de différentes sources d'observation et en particulier des mesures de l'instrument IASI (cf figure 1), les chercheurs de l' IPSL contribuent à fournir aux VAACs des informations sur la modification de la composition atmosphérique due aux éruptions volcaniques, information utilisée pour l'alerte et la prévision, en combinaison avec d'autres sources d'information (en particulier les modèles de prévision météorologique).



Notes

  1. Laboratoire atmosphères, milieux, observations spatiales (CNRS, UPMC, UVSQ)
  2. Laboratoire de météorologie dynamique (CNRS, UPMC, Ecole Polytechnique, ENS)
  3. Laboratoire des sciences du climat et de l'environnement (CNRS, CEA, UVSQ)
  4. Site Instrumental de recherche par télédétection atmosphérique
  5. L'équipe technique du SIRTA est composée, pour les opérations de Bernard Romand, Christophe Pietras, Florian Lapouge, Jean Charles Dupont, Mahdi Belaid et Martial Haeffelin, pour les algorithmes et traitement de données, de Christophe Boitel et Yohann Morille et, pour la visualisation des données, de Juan Cuesta
  6. Le modèle utilisé ici est le modèle opérationnel de calcul de trajectoire de la NOAA utilisant ses analyses météorologiques GDAS (Global Data Assimilation System)


Contacts

  • Pour l’IPSL : Catherine Senior, IPSL, 01.44.27.84.41, catherine.senior @ ipsl.jussieu.fr
  • Pour IASI : Cathy Clerbaux, LATMOS/IPSL, 01.44.27.47.73, cathy.clerbaux @ latmos.ipsl.fr
  • Pour CALIPSO : Jacques Pelon, LATMOS/IPSL, 01.44.27.37.79, Jacques.Pelon @ latmos.ipsl.fr et Vincent Noël, LMD/IPSL, 01.69.33.51.46, vincent.noel @ lmd.polytechnique.fr
  • Pour la station Qualair/UPMC : François Ravetta, LATMOS/IPSL, 01.44.27.50.16, Francois.Ravetta @ latmos.ipsl.fr
  • Pour le site SIRTA : Martial Haeffelin, IPSL, 01.69.33.51.59, Matial.Haeffelin @ ipsl.polytechnique.fr ou équipe technique, 06.45.33.99.27, sirtatech @ lmd.polytechnique.fr
  • Pour le lidar embarqué sur avion : Patrick Chazette, LSCE/IPSL, 01.69.08.94.56, patrick.chazette @ lsce.ipsl.fr
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