Accueil > Actualités > Actualités scientifiques > Nouvelle version de la base internationale SOCAT de CO2 océanique

Nouvelle version de la base internationale SOCAT de CO2 océanique

12-06-2019

La dernière version de la base internationale de données SOCAT (Surface Ocean CO2 atlas) a été rendue publique le 18 Juin 2019. Cette base, qui rassemble maintenant 27 millions d’observations du dioxyde de carbone dans les eaux de surface de l’océan mondial, est le fruit d’une collaboration internationale initiée en 2007 (1) et à laquelle le LOCEAN (2) participe.

L’océan, par sa capacité à absorber chaque année environ 25% des émissions anthropiques de CO2 et plus de 90% de la chaleur en excès,  joue un rôle crucial pour réguler le changement climatique. Sur environ 660 PgC (Peta-gramme de Carbone) injectés par les activités humaines depuis 1750, on estime que l’océan en a absorbé environ 165 PgC (3) , limitant l’impact des émissions de CO2 anthropique sur le changement climatique. Sans ce puits de carbone océanique, la concentration de CO2 dans l’atmosphère serait aujourd’hui d’environ 492 ppm conte 410 ppm en moyenne global en 2019.


Pour établir le bilan de carbone global, nous disposons des inventaires sur les émissions anthropiques et l’utilisation de sols, des mesures atmosphériques (taux d’accroissement de CO2), et des observations océaniques (échanges air-mer). Le rôle du compartiment continental est évalué à partir de modèles ou à partir de la part résiduelle des échanges quantifiés entre les autres compartiments (3) .


Une autre conséquence directe des émissions anthropiques de CO2 et de son absorption par les océans conduit au phénomène d’acidification (diminution du pH), qui est maintenant bien observé dans toutes les zones océaniques, en particulier via la base SOCAT (4) . Aussi, l’acidification des océans est maintenant reconnu, au même titre que les augmentations de la température et du niveau de la mer, comme l'une des 7 variables témoin du changement global (5) . Toutefois, les impacts de l’acidification sur les écosystèmes marins restent à évaluer.


Dans ce contexte, il est important d’estimer et de suivre d’année en année le puits de carbone océanique global. Pour cela il est nécessaire de disposer d’observations précises du CO2 océanique et, si possible, dans tous les secteurs océaniques et à différentes saisons, car le cycle du carbone océanique est très variable dans le temps et l’espace, et suivant que l’on se trouve au large ou en zone côtière. Tel est l’objectif de la base de données SOCAT de CO2 océanique, régulièrement actualisée depuis 2011. Faisant suite aux précédentes versions , la base SOCAT s’est enrichie cette année de 3 millions de nouvelles données validées provenant de 526 nouvelles campagnes océanographiques ou capteurs sur mouillages (Figure 1). Depuis la première version datant de 2011, qui rassemblait 6.3 millions de données, SOCAT contient à ce jour 27 millions d’observations in-situ de la fugacité de CO2 dans les eaux de surface de l’océan global et en zones côtières, couvrant la période 1957-2018 (Figure 2 - (6) ). Outre les données originales accessibles en ligne et accompagnées des commentaires d’évaluation (7) , la base propose également des produits grillés à différentes résolutions pour l’océan ouvert et côtier pouvant être utilisés pour construire des climatologies, initialiser et valider les modèles biogéochimiques de l’océan et les modèles couplés climat/carbone (CMIP6) ou contraindre les modèles d’inversions atmosphériques (8) . Un outil de visualisation interactif (LAS Data viewer) permet un accès aisé aux données, dont l’extraction peut se faire par région, période, navire ou plateforme (bouées ou mouillages). Les codes de lecture Matlab des fichiers de données et produits grillés, ainsi que le format ODV ( Ocean Data View ) sont également accessibles en ligne.


Cette base a été mise à profit dans plus de 260 publications et 80 rapports internationaux , dans le cadre d’études sur les échanges air-mer de CO2 aux échelles régionales ou globale, sur l’absorption de CO2 anthropique et l’acidification des océans, ou l’évaluation de modèles biogéochimiques de l’océan et modèles couplés climat/carbone (9) . En particulier :

  • elle a été référencée dans le dernier rapport du GIEC ;
  • elle sert de support aux estimations annuelles du bilan de carbone planétaire (Figure 3 - (3) (10) ) et des rapports annuels sur le climat (11)
  • elle est exploitée pour mieux évaluer et comprendre les variations saisonnières à décennales du puits de carbone océanique dans l’océan ouvert ou les zones côtières [e.g. (12), (13), (14), (15) ]
  • elle permet d’évaluer l’évolution de l’acidification des océans (e.g. (4) )
  • elle est maintenant utilisée pour valider les reconstructions des concentrations de CO2 océaniques dérivées de flotteurs autonomes Bio-ARGO [ (16), (17) ].


Le laboratoire LOCEAN de l’IPSL alimente régulièrement cette base (observatoires OISO/CARAUS, PIRATA, SSS), contribue au contrôle de qualité des données, et participe à la coordination des groupes global et régionaux (océans Atlantique tropical, Indien et Austral). Le projet SOCAT est coordonné par Dorothee Bakker (Université d'East Anglia, Royaume-Uni). Il a été et est soutenu par des programmes internationaux (SOLAS, IMBER, IOCCP, ICOS), européens (Carboocean, CarboChange, Atlantos) et par nombreux instituts nationaux.


Figure 1 - A gauche : Distribution des nouvelles observations de fugacité du CO2 (µatm) à la surface de l’océan intégrées en 2019 dans la base SOCAT. A droite : L’ensemble des données SOCAT sur la période 1957-2018. Les carrés symbolisent les capteurs de CO2 sur des mouillages. Les zones en bleu-vert (resp. jaune-orange-rouge) indiquent que l’océan agit en qualité de puits de CO2 (resp. source). L’absence d’observations récentes dans certains secteurs, notamment Pacifique Sud, Atlantique Sud et Océan Indien, implique l’utilisation de modèles pour extrapoler les échanges air-mer de CO2 à grande échelle et pour estimer le puits de carbone océanique intégré à l’échelle global (voir Figure 3)


Figure 2 - Nombre de données de fCO2 océanique (en million) pour chaque année (de 1957 à 2018) dans la base SOCAT, depuis la version 1 (en 2011) jusqu’à la version actuelle en 2019.


Figure 3 - Le puits de carbone océanique évalué sur la période 1982-2017 à partir de modèles océaniques (modèles individuels en bleu, moyenne ligne noire et incertitude en grisé) ou de méthodes de reconstructions basées sur la base SOCAT (lignes rouges). Les modèles, comme les méthodes basées sur les observations, montrent que le puits de carbone océanique augmente. A noter que les observations suggèrent l’existence d’une variabilité interannuelle prononcée, non résolue par les modèles.



Notes

  1. Metzl, N., Tilbrook, B., Bakker, D., Le Quéré, C., Doney, S., Feely, R., Hood, M., Dargaville, R. (2007) Global Changes in Ocean Carbon: Variability and Vulnerability. Eos, Transactions of the American Geophysical Union 88 (28): 286-287. doi: 10.1029/2007EO280005
  2. Laboratoire d'océanographie et du climat : expérimentation et approches numériques (LOCEAN-IPSL/OSU Ecce Terra, SU/CNRS/MNHN/IRD)
  3. Le Quéré, C., Andrew, R. M., Friedlingstein, P., Sitch, S., Hauck, J., et al., 2018: Global Carbon Budget 2018, Earth Syst. Sci. Data, 10, 2141-2194, https://doi.org/10.5194/essd-10-2141-2018, 2018.
  4. Lauvset, S.K., N. Gruber, P. Landschützer, A. Olsen, and J. Tjiputra, 2015. Trends and drivers in global surface ocean pH over the past 3 decades. Biogeosciences, 12, 1285-1298, doi:10.5194/bg-12-1285-2015.
  5. WMO/GCOS, 2018: https://public.wmo.int/en/programmes/global-climate-observing-system/global-climate-indicators
  6. Bakker, D, C, E., S. K. Lauvset, R. Wanninkhof, K. M. O’Brien, A. Olsen, B. Pfeil, R. Castaño-Primo, K. Currie, A. Kozyr, S. D. Jones, N. Metzl, S. Nakaoka, D. Pierrot, K. Smith, K. Sullivan, A. J. Sutton, C; Sweeney, T. Takahashi, M. Telszewski, B. Tilbrook, C. Wada,  and all >100 SOCAT contributors, 2019. SOCAT version 2019. Available on-line, www.socat.info
  7. Lauvset S., K. Currie, N. Metzl, S. Nakaoka, D. Bakker, K. Sullivan, A. Sutton, K. O'Brien and A. Olsen,  2019. SOCAT Quality Control Cookbook For SOCAT version 7. Int. Report. www.socat.info.
  8. Rödenbeck, C., Keeling, R. F., Bakker, D. C. E., Metzl, N., Olsen, A., Sabine, C. L., and Heimann, M. (2013). Global surface-ocean pCO₂ and sea-air CO₂ flux variability from an observation-driven ocean mixed-layer scheme. Ocean Science, 9, 193‑216. doi:10.5194/os-9‑193‑2013.
  9. Eyring, V., Righi, M., Lauer, A., Evaldsson, M., Wenzel, S., et al., 2016. ESMValTool (v1.0) – a community diagnostic and performance metrics tool for routine evaluation of Earth system models in CMIP, Geosci. Model Dev., 9, 1747-1802, doi:10.5194/gmd-9-1747-2016.
  10. Global Carbon Project
  11. Blunden, J., D. S. Arndt, and G. Hartfield , Eds., 2018: State of the Climate in 2017.Bull. Amer. Meteor. Soc.,99(8), Si–S332, doi:10.1175/2018BAMSStateoftheClimate.1.
  12. Landschützer, P., Gruber, N., Bakker, D. C. E., Haumann, F. A., Rödenbeck, C., et al., 2015. The reinvigoration of the Southern Ocean carbon sink. Science 349 (6253): 1221-1224. doi:10.1126/science.aab2620
  13. Laruelle, G. G., Cai W.-J., Hu X., Gruber N., Mackenzie F. T., Regnier P., 2018. Continental shelves as a variable but increasing global sink for atmospheric carbon dioxide.Nature Communications,9, 454,   doi:10.1038/s41467-017-02738-z
  14. Rödenbeck, C., Bakker, D. C. E., Gruber, N., Iida, Y., Jacobson, A.R., et al., 2015. Data-based estimates of the ocean carbon sink variability – First results of the Surface Ocean pCO2 Mapping intercomparison (SOCOM). Biogeosciences 12: 7251-7278. doi:10.5194/bg-12-7251-2015.
  15. Denvil-Sommer, A., Gehlen, M., Vrac, M., and Mejia, C.: LSCE-FFNN-v1: a two-step neural network model for the reconstruction of surface ocean pCO2 over the global ocean, Geosci. Model Dev., 12, 2091-2105, https://doi.org/10.5194/gmd-12-2091-2019, 2019.
  16. Williams, N. L., Juranek, L. W., Feely, R. A., Johnson, K. S., Sarmiento, J. L., et al., 2017. Calculating surface ocean pCO2 from biogeochemical Argo floats equipped with pH: an uncertainty analysis, Global Biogeochemical Cycles 31: 591-604.   doi:10.1002/2016GB005541
  17. Gray, A. R., Johnson, K. S., Bushinsky, S. M., Riser, S. C., Russell, J. L., Talley, L. D., Wanninkhof, R., Williams, N. L. and Sarmiento, J. L. (2018). Autonomous Biogeochemical Floats Detect Significant Carbon Dioxide Outgassing in the High-Latitude Southern Ocean. Geophysical Research Letters, 45(17), 9049‑9057. doi:10.1029/2018GL078013.


Contact

Nicolas Metzl (LOCEAN-IPSL-OSU Ecce Terra), Tél. : 01 44 27 33 94 ou 06 77 47 72 48


Retour à la liste actualités scientifiques