Accueil > Actualités > Actualités scientifiques > Le vent solaire, principal responsable de l'érosion de l'atmosphère de la planète Mars

Le vent solaire, principal responsable de l'érosion de l'atmosphère de la planète Mars

06-11-2015

Comment Mars a-t-elle perdu l’atmosphère 1 qui, il y a 4 milliards d’années, la dotait d’une température plus chaude et sans doute d’eau liquide ? Les scientifiques de la mission MAVEN 2 de la Nasa, en orbite depuis un an autour de Mars, dévoilent ce vendredi quelques éléments de réponse.

La sonde MAVEN en orbite autour de Mars. MAVEN plonge régulièrement dans la haute atmosphère martienne pour réaliser des mesures in situ.


MAVEN observant une aurore sur Mars. Comme sur Terre, ce phénomène lumineux est dû à l’interaction entre des particules énergétiques du vent solaire et les molécules de l’atmosphère ; mais comme Mars n’a pas de champ magnétique interne, les aurores ne sont pas concentrées aux pôles.


En orbite autour de la planète rouge depuis le 22 septembre 2014, la sonde MAVEN (Mars Atmosphere and Volatile Evolution) de la NASA embarque huit instruments scientifiques pour aller survoler et étudier l'atmosphère de la planète Mars. Objectifs de la mission : mieux connaître la composition et la densité de la haute atmosphère et de l'ionosphère martiennes ainsi que leurs interactions avec le rayonnement et le vent solaires, afin de déterminer les processus d'échappement atmosphérique et donc de retracer l'évolution passée du climat martien. A cet effet, la sonde a effectué, au cours de l'année 2015, plusieurs campagnes de plongée atmosphérique (appelée campagnes "deep-dip") jusqu'à environ 120 kilomètres de la surface.


L'analyse des données recueillies par les instruments embarqués indique que le vent solaire a pour effet d'expulser le gaz atmosphérique à une rythme voisin de 100 grammes par seconde 3 . Cet échappement se produit principalement à l'intersection entre la haute atmosphère martienne et la queue magnétique produite par l’interaction de cette dernière avec le vent solaire (~75%), de façon moindre au niveau des pôles 4 (~25%) et du nuage de gaz entourant la planète.


En outre, il est apparu que ce taux d'érosion atmosphérique augmente significativement - peut-être d'un facteur 10 - lors des tempêtes solaires, suggérant qu'il fut bien plus élevé par le passé, lorsque le Soleil était plus jeune et bien plus actif. Ainsi donc, il ne fait guère plus de doute que la planète Mars était jadis dotée d'une atmosphère suffisamment dense et chaude pour garantir la présence d'eau liquide en surface 5 , voire abriter certaines formes de vie, et que cet échappement atmosphérique induit par le vent solaire a eu un impact majeur sur l'évolution du climat martien vers le stade froid et aride que nous lui connaissons aujourd'hui.


Cette découverte invite à se poser la question subsidiaire : pourquoi le vent solaire n'a-t-il pas également causé l'échappement de l'atmosphère terrestre ? « Au contraire de la planète rouge 6 , notre Terre est dotée d'un puissant bouclier magnétique qui repousse l'essentiel du vent solaire à plus de dix rayons planétaires sur la face avant. Seule une infime fraction de notre atmosphère s'échappe dans l'espace – le long des lignes de champ magnétique dans les régions polaires. A ce rythme, plusieurs fois l'âge actuel de l'Univers seront nécessaires pour qu'elle se vide » explique Christian Mazelle, chercheur à l'IRAP et responsable de l' instrument SWEA .


Comparison of field geometry for diffuse and discrete aurora on Earth and Mars. Mars lacks an internally generated global magnetic field due to the cooling of its core. Fields surrounding Mars are a combination of small structures locked in the crust billions ago (lower right) and solar wind field lines draped around the planet.


Le 6 novembre 2015 plus de 50 articles scientifiques écrits par l’équipe scientifique de MAVEN sont publiés dans les revues Geophysical Research Letters et Science. Cette série d’articles donne une première vue de la richesse des découvertes déjà obtenues et à venir, notamment, lors des plongées de la sonde dans la haute atmosphère martienne et grâce à l'observation du comportement de l'atmosphère martienne lors d'événements solaires (augmentation significative de l'érosion et observation d'aurores couvrant l'ensemble de la nuit martienne). 

Les laboratoires français IRAP et LATMOS sont les deux seuls laboratoires, hors Etats Unis, partenaires de cette mission depuis la conception du projet. L'IRAP a conçu le détecteur SWEA (Solar Wind Electron Analyser) et les deux laboratoires participent, aujourd'hui, activement à l'analyse des données fournies par MAVEN et sont auteurs ou co-auteurs d'une grande partie des articles scientifiques publiés cette semaine.


Consultez les sites de l' IRAP et de l' INSU



Notes

  1. Aujourd’hui, Mars a une atmosphère très ténue avec une pression atmosphérique de 6 millibars, 166 fois plus faible que celle de la Terre.
  2. MAVEN (Mars Atmosphere and Volatile Evolution), une sonde de la Nasa en orbite autour de Mars depuis le 21 septembre 2014, a pour mission d’étudier la haute atmosphère, l’ionosphère et la magnétosphère de la planète rouge afin d'élucider les causes de la disparition d'une grande partie de l'atmosphère martienne.
  3. Le vent solaire consiste en un flux de particules énergétiques, majoritairement des protons et des électrons, s'échappant du Soleil à une vitesse voisine de 1,5 million de km/h. Le champ magnétique qu'il transporte génère, au voisinage de Mars, un champ électrique qui accélère les ions de la haute atmosphère martienne. Dotés d'une vitesse suffisante, ces derniers s'échappent de l'attraction martienne en direction de l'espace.
  4. Des volutes de gaz ionisé ont été observées à l'aplomb des pôles magnétiques perpendiculairement à la queue magnétique induite.
  5. Diverses régions martiennes, des vallées notamment, portent des traces d'érosion par l'eau, d'autres sont constituées de dépôts minéraux dont la formation requiert la présence d'eau liquide. Récemment, la sonde Mars Reconnaissance Orbiter a détecté l'apparition saisonnière d'eau saumâtre liquide en surface. Autant d'indices suggérant la présence de rivières, de lacs, voire d'océans d'eau liquide à la surface de Mars dans un lointain passé.
  6. Mars est dénuée de tout bouclier magnétique global depuis au moins 3,6 milliards d'années. En conséquence, même au niveau des régions où se trouvent les sources crustales magnétiques fossiles (essentiellement dans l'hémisphère sud), le vent solaire arrive à parvenir intact jusqu'à environ un demi-rayon martien. Il est encore présent quoique ralenti à beaucoup plus basse altitude (quelques centaines de kilomètres) et n'est bloqué réellement qu'au niveau de l'ionosphère dense. Les résultats de Maven (aurores diffuses) montrent toutefois qu'une précipitation intense de particules énergétiques peut se produire dans l'atmosphère jusqu'à très basse altitude voire jusqu'au sol (pour les particules les plus énergétiques).


Sources

Early MAVEN Deep Dip campaign reveals thermosphere and ionosphere variability , S. Bougher et al.,Science, 6 novembre 2015. 

MAVEN observations of the response of Mars to an interplanetary coronal mass ejection , B.M. Jakosky et al.,Science, 6 novembre 2015. 

Discovery of diffuse auroras on Mars , N.M. Schneider et a l.,Science, 6 novembre 2015. 

Les chercheurs de l’IRAP et du LATMOS co-signent aussi de nombreux articles dansGeophysical Research Letters.



Contact à l'IPSL

François LEBLANC , LATMOS, Tél. : 01 44 27 37 53 / 06 48 59 48 96

Retour à la liste actualités scientifiques