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La variabilité de la circulation thermohaline avec ses courants profonds et abyssaux révélée pour la première fois dans l’Atlantique Sud

05-08-2020

L’Atlantique est le plus petit des bassins océaniques de la Terre. Néanmoins, il joue un rôle majeur pour nos sociétés, car il influence fortement le climat de notre planète à toutes les échelles de temps (de la météorologie au paléoclimatique). Ce rôle primordial est dû à la circulation méridionale de retournement (de l’anglais Meridional Overturning Circulation- MOC – aussi appelée “circulation thermohaline”), qui relie les deux régions polaires et transfère près d’un demi-pétawatt d’énergie de l’hémisphère sud à l’hémisphère nord. Cette circulation océanique a des répercussions marquées, bien qu’elles ne soient pas encore entièrement comprises, sur les variations à l’échelle planétaire des courants marins et de la circulation atmosphérique.

L’observation et la prévision de l’océan Atlantique sont essentielles, avant tout pour les pays limitrophes, car elles fournissent des informations vitales pour la gestion des risques liés aux événements extrêmes (élévation du niveau de la mer, précipitations, vagues de chaleur marines…) et au changement climatique en général, avec des impacts sur les infrastructures humaines et les écosystèmes marins.


Dans un article publié dans la revue Science Advances, un groupe international de 19 chercheurs issus d’organismes de recherche en France (ENS, CNRS, UBO et Ifremer), aux États-Unis (Université de Miami et NOAA), en Afrique du Sud, au Brésil, et en Argentine a reconstitué la MOC et sa variabilité dans l’Atlantique Sud. C’est à ces latitudes de l’océan Atlantique que se produisent les échanges de masses d’eau de différentes provenances (Atlantique, Pacifique, Indien et Antarctique). Ces échanges déterminent les quantités de chaleur et de sel qui remontent ensuite vers l’Atlantique Nord puis l’Arctique, influençant l’intensité globale de la MOC ainsi que le climat de la Terre. En raison de la difficulté d’observer l’océan, et en particulier les courants hors de sa couche superficielle, de nombreuses incertitudes subsistent quant à la nature de cette circulation et à sa variabilité, notamment en Atlantique Sud, région clé dans l’établissement de cette circulation. L’objectif principal de cette nouvelle étude était donc d’évaluer la variabilité de cette circulation dans l’Atlantique Sud sur l’ensemble de la colonne d’eau, jusqu’aux échelles journalières.


L’étude utilise les observations obtenues à partir d’un réseau de mouillages, de campagnes océanographiques et de flotteurs-profileurs Argo déployés à 34.5°S entre l’Amérique du Sud et Le Cap. Ce réseau a été mis en place dans le cadre d’un important partenariat entre la France et les États-Unis, l’Afrique du Sud, le Brésil et l’Argentine, notamment à partir d’un projet ANR bilatéral avec le Brésil financé en 2011 par l’ANR et coordonné par Sabrina Speich ( Laboratoire de Météorologie Dynamique - IPSL ), et un projet financé depuis 2008 par la NOAA et coordonné par Chris Meinen (AOML/NOAA). Le réseau d’observation, qui a été nommé SAMBA (pour South Atlantic MOC Boundary Array), fournit des mesures quotidiennes depuis 2013, date à laquelle son déploiement complet a été achevé.


Les mesures continues récoltées sur une période d’environ 4 ans fournissent une mine d’informations sur le transport des courants dans l’Atlantique Sud, avec une résolution spatiale et temporelle jamais atteinte auparavant. Ces observations révèlent pour la première fois les variations à l’échelle journalière de la cellule abyssale, la plus profonde (de 3000 m de profondeur jusqu’au fond de l’océan). Les observations historiques de cette circulation profonde n’avaient donné qu’un aperçu de son intensité sur des périodes particulières (avec des estimations ponctuelles une fois par décennie). La nouvelle étude a également fourni une estimation actualisée et plus précise de la cellule la moins profonde de cette circulation.


Ce travail met en évidence une très importante variabilité des courants profonds, et ce sur des échelles de temps qui peuvent être très courtes (quelques jours), ce qui n’avait pas été anticipé par les simulations numériques globales de l’océan. Ces données permettront de comprendre les processus impliqués et ainsi d’améliorer les modèles numériques de l’océan et du système Terre afin de mieux appréhender les changements actuels et futurs et aider la société humaine à s’y adapter.



Position du réseau de mouillages profonds et schéma des courants formant la double cellule de circulation thermohaline dans l'Océan Atlantique. La gamme de couleurs ombragées en vert représente les concentrations d'oxygène (μmol kg-1) à la surface de l’océan et le long de la ligne SAMBA 34,5°S. La différence en concentration d'oxygène à l'intérieur de l'océan révèle des eaux d'origines distinctes (Océan Indien, Atlantique Nord, Océan Antarctique) transportés par les courants à différentes profondeurs.


Références

Kersalé, M., C. S. Meinen, R. C. Perez, M. Le Hénaff, D. Valla, T. Lamont, O. T. Sato,S. Dong, T. Terre, M. van Caspel, M. P. Chidichimo, M. van den Berg, S. Speich, A. R.Piola, E. J. D. Campos, I. Ansorge, D. L. Volkov, R. Lumpkin, S. Garzoli, 2020. Highly Variable Upper and Abyssal Overturning Cells in the South Atlantic,Science Advances.



Contact chercheure

Sabrina Speich - LMD-IPSL (CNRS / École Polytechnique / ENS–PSL / Ecole des Ponts Paris Tech/SU) - sabrina.speich@lmd.ens.fr

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