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La valeur basse de la sensibilité climatique peut maintenant être exclue

26-08-2020

Selon une collaboration internationale impliquant le Laboratoire des sciences du climat et de l'environnement (LSCE, CEA/CNRS/UVSQ), le doublement de la teneur atmosphérique en CO2 par rapport à l’ère préindustrielle réchaufferait la Terre de 2,6°C à 3.9°C. Cette évaluation – la meilleure à ce jour – repose sur trois sources de données indépendantes, qui n’utilisent pas les modèles climatiques.

La concentration de CO2 dans l'atmosphère est passée de 280 parties par million (ppm) à l'époque préindustrielle à environ 416 ppm aujourd'hui. Si aucune mesure n'est prise pour réduire les émissions de CO2 d’origine anthropique, elle pourrait atteindre 560 ppm en 2060.



Quel sera le réchauffement global quand la teneur atmosphérique en CO2 aura doublé par rapport à l’ère préindustrielle ? La « sensibilité climatique à l’équilibre » de la Terre (SCE) répond à cette question, qui est fondamentale pour prédire l’ampleur du changement climatique à venir et l’atténuer.


L’estimation de la sensibilité climatique requiert une bonne estimation des perturbations externes qui modifient l’énergétique de la planète, des températures à l’échelle globale et des différentes rétroactions amplifiant ou amortissant les perturbations initiales. Le dernier rapport du GIEC proposait une valeur probable entre 1.5°C et 4.5°C.


Depuis 2013, les chercheurs se sont efforcés d’affiner ces estimations en combinant entre elles différentes sources de données indépendantes en leur appliquant une série de tests statistiques :

  • les données climatiques historiques,
  • plusieurs jeux de données paléoclimatiques,
  • l’étude des processus climatiques (rétroactions positives ou négatives sur le réchauffement).


Les résultats convergent sur le fait qu’une valeur en dessous de 2°C est peu compatible avec les trois types d’étude. Le dernier maximum glaciaire indique que les valeurs au-delà de 4.5°C sont peu crédibles. Les résultats réduisent la gamme de valeur à 66% de chance (plage probable donnée dans les rapports du GIEC) à 2.6-3.9 °C et la plage 5-95% de chance à 2.3-4.7 °C. Les estimations indiquent que cette plage est bornée par l’intervalle 2°C-5.7°C.


Ces résultats sont importants pour cibler de manière réaliste les objectifs fixés par l’accord de Paris. En effet, cette étude apporte une forte contrainte sur la limite basse de la sensibilité climatique. Les réflexions sur le maintien de la température en dessous de 2°C ou 1.5°C de l’accord de Paris doivent sérieusement prendre en compte ce résultats pour arriver à remplir les objectifs du développement durable.


Il est possible de confronter les résultats des modèles climatiques à cette nouvelle évaluation de sensibilité climatique car elle n’utilise aucune de leurs données.


Certains modèles CMIP6 (Coupled Model Intercomparison Project Phase 6) qui alimenteront le 6e rapport du Giec. produisant des sensibilités inférieures à 2°C semblent avoir une sensibilité trop faible et donc sous-estimer le réchauffement. Plusieurs modèles de la nouvelle génération produisent des valeurs autour de 5°C ou plus. Ils se situent hors de la gamme la plus probable, mais produisent des valeurs hautes qui restent possibles.


 

Ils ont été obtenus dans le cadre du Programme mondial de recherche sur le climat qui a été établi en 1980 sous le parrainage conjoint de l'Organisation météorologique mondiale et du Conseil international pour la science (CIUS) et, depuis 1993, de la Commission océanographique intergouvernementale (COI) de l'Unesco. La contribution paleoclimate a été coordonnée par le groupe past to future et variabilité du projet international PMIP (Paleoclimate Modeling Intercomparison Project, coordonné au LSCE).


Pour en savoir plus :

Référence

An assessment of Earth's climate sensitivity using multiple lines of evidence, Reviews of Geophysics. S. Sherwood, M. J. Webb, J. D. Annan, K. C. Armour, P. M. Forster, J. C. Hargreaves, G. Hegerl, S. A. Klein, K. D. Marvel, E. J. Rohling, M. Watanabe, T. Andrews, P. Braconnot, C. S. Bretherton, G. L. Foster, Z. Hausfather, A. S. von der Heydt, R. Knutti, T. Mauritsen, J. R. Norris, C. Proistosescu, M. Rugenstein, G. A. Schmidt, K. B. Tokarska, M. D. Zelinka.  https://doi.org/10.1029/2019RG000678

 


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Contact

Pascale Braconnot, LSCE-IPSL,  pascale.braconnot@lsce.ipsl.fr

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