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La base SOCAT de CO2 océanique : 10 années de synthèse internationale

21-06-2017

La dernière version de la base internationale de données SOCAT (Surface Ocean CO2 atlas) a été rendue publique le 19 Juin 2017. Cette base, qui rassemble maintenant 21.5 millions d’observations du dioxyde de carbone dans les eaux de surface de l’océan mondial, est le fruit d’une collaboration internationale initiée il y a dix ans (Metzl et al., 2007) 1 et à laquelle participe le Laboratoire d'océanographie et du climat : expérimentation et approches numériques (LOCEAN-IPSL, Ecce Terra, UPMC / CNRS / MNHN / IRD).

L’océan, par sa capacité à absorber chaque année environ 25-30% des émissions anthropiques de CO2 et plus de 90% de la chaleur en excès,  joue un rôle crucial pour réguler la perturbation climatique. Sur environ 600 PgC (Peta-gramme de Carbone) injectés par les activités humaines depuis 1750, on estime que l’océan en a absorbé environ 175 PgC (Le Quéré et al., 2016) 2 , limitant l’impact des émissions de CO2 anthropique sur le changement climatique. Sans ce puits de carbone océanique, la concentration de CO2 dans l’atmosphère serait aujourd’hui d’environ 490 ppm, soit 210 ppm de plus que le niveau pré-industriel (Meinshausen et al., 2017) 3 ou attendu d’ici 2040-2050 suivant les scénario d’émissions. Pour établir le bilan de carbone global, nous disposons des inventaires sur les émissions anthropiques et l’utilisation de sols, des mesures atmosphériques (taux d’accroissement de CO2), et des observations océaniques (échanges air-mer). Le rôle du compartiment continental étant évalué par la part résiduelle des échanges quantifiés entre les autres compartiments (Le Quéré et al., 2016) 2 . Dans ce contexte, il est important d’estimer, et suivre d’année en année, le puits de carbone océanique global. Pour cela il est nécessaire de disposer d’observations de CO2 océanique précises et, si possible, dans tous les secteurs océaniques et à différentes saisons, car le cycle du carbone océanique est très variable, dans le temps et l’espace, et suivant que l’on se trouve dans les zones au large ou zones côtières. Tel est l’objectif de la base de données SOCAT de CO2 océanique, régulièrement actualisée depuis 2011.


Faisant suite aux précédentes versions (Bakker et al., 2016) 4 , la base SOCAT s’est enrichie cette année de 3 millions de nouvelles données qui ont été validées (846 campagnes océanographiques ou capteurs sur mouillages). Elle rassemble à ce jour 21.5 millions d’observations de la fugacité de CO2 dans les eaux de surface de l’océan global et zones côtières, couvrant la période 1957-2016. En Août prochain, la version 5 de SOCAT célébrera 10 ans d’exploitation à la conférence internationale ICDC10 (Bakker et al., 2017) 5 . Signalons aussi que SOCAT a déclaré son engagement à long-terme à la récente Conférence des Nations Unies sur l’océan (SOCAT, 2017) 6 .


Outre les données originales accessibles en ligne et accompagnées des commentaires d’évaluation (Quality Flag), la base propose également des produits grillés mensuels, annuels et décennaux, à différentes résolutions pour l’océan ouvert et côtier, pouvant être utilisés pour construire des climatologies, initialiser et valider les modèles biogéochimiques de l’océan et les modèles couplés climat/carbone (CMIP6) ou contraindre les modèles d’inversions atmosphériques. Un outil de visualisation interactif (LAS Data viewer) permet un accès aisé aux données, dont l’extraction peut se faire par région, période, navire ou plateforme (bouées ou mouillages). Les codes de lecture Matlab des fichiers de données et produits grillés, ainsi que le format ODV ( Ocean Data View ) sont également accessibles en ligne.


Cette base a été mise à profit dans près de 200 publications , dans le cadre d’études sur les échanges air-mer de CO2 aux échelles régionales ou globale, sur l’absorption de CO2 anthropique et l’acidification des océans, ou l’évaluation de modèles biogéochimiques de l’océan et modèles couplés climat/carbone (Eyring et al., 2016) 7 . En particulier :

  • elle a été référencée dans le dernier rapport du GIEC ;
  • elle sert de support aux estimations annuelles du bilan de carbone planétaire (Figure 2, Le Quéré et al., 2016, Global Carbon Project ) ;
  • elle est exploitée pour mieux évaluer et comprendre les variations décennales du puits de carbone océanique (Landschützer et al., 2015 8 ; Rödenbeck et al., 2015 9 , projet SOCOM , Surface ocean pCO2 mapping intercomparison) ;
  • elle est maintenant utilisée pour valider les reconstructions des concentrations de CO2 océaniques dérivées de flotteurs autonomes BioARGO (Williams et al., 2017) 10 .

Le laboratoire LOCEAN de l’IPSL alimente régulièrement cette base (observatoires OISO/CARAUS, PIRATA, SSS), contribue au contrôle de qualité des données, et participe à la coordination des groupes global et régionaux (océans Atlantique tropical, Indien et Austral). Le projet SOCAT est coordonné par Dorothee Bakker (Université d'East Anglia, Royaume-Uni). Il a été et est soutenu par des programmes internationaux (SOLAS, IMBER, IOCCP), européens (CarboChange) et nombreux instituts nationaux.


Figure 1 : Distribution des nouvelles observations de fugacité du CO2 (fCO2, µatm) à la surface de l’océan intégrées cette année dans la base SOCAT (période 1989-2016). Les carrés symbolisent les capteurs de CO2 sur des mouillages. Le niveau de CO2 dans l’atmosphère étant aujourd’hui d’environ 400 ppm, les zones en bleu-vert (resp. orange-rouge) indiquent que l’océan agit en qualité de puits de CO2 (resp. source). A noter l’absence d’observations dans certains secteurs, notamment Pacifique Sud et Océan Indien, ce qui nécessite d’élaborer des modèles d’extrapolation pour évaluer les échanges air-mer de CO2 à grande échelle (Rödenbeck et al., 2015, projet SOCOM).


Figure 2 : Le puits de carbone océanique évalué sur la période 1960-2015 à partir de modèles océaniques (modèles individuels en bleu, moyenne ligne noire) ou de méthodes de reconstructions basées sur la base SOCAT (lignes rose et orange). Source : Global Carbon Project (Le Quéré et al, 2016). Les modèles, comme les méthodes basées sur les observations, montrent que le puits de carbone océanique augmente. Les observations suggèrent l’existence d’une variabilité interannuelle prononcée, non résolue par les modèles.



Notes

  1.  Metzl, N., Tilbrook, B., Bakker, D., Le Quéré, C., Doney, S., Feely, R., Hood, M., Dargaville, R. (2007) Global Changes in Ocean Carbon: Variability and Vulnerability. Eos, Transactions of the American Geophysical Union 88 (28): 286-287. doi: 10.1029/2007EO280005
  2. Le Quéré, C., Andrew, R. M., Canadell, J. G., Sitch, S., Korsbakken, J. I., et al., 2016. Global Carbon Budget 2016, Earth Syst. Sci. Data, 8, 605-649, doi:10.5194/essd-8-605-2016.
  3. Meinshausen, M., Vogel, E., Nauels, A., Lorbacher, K., Meinshausen, N.,et al., 2017. Historical greenhouse gas concentrations for climate modelling (CMIP6), Geosci. Model Dev., 10, 2057-2116, doi:10.5194/gmd-10-2057-2017.
  4. Bakker, D. C. E., Pfeil, B., Landa, C. S., Metzl, N., O'Brien, K. M., et al., 2016.: A multi-decade record of high-quality fCO2 data in version 3 of the Surface Ocean CO2 Atlas (SOCAT), Earth Syst. Sci. Data, 8, 383-413, doi:10.5194/essd-8-383-2016, 2016
  5. Bakker, D., A. Olsen, C. Sabine, B. Pfeil, S. Alin, et al., 2017. Quantification of the ocean carbon sink using surface ocean observations. International Carbon Dioxide Conference 10. Interlaken, Switzerland, 21-25 August 2017. Invited Talk
  6. SOCAT, 2017. Scientific community, Annual, public releases of the Surface Ocean CO2 Atlas ( SOCAT )
  7. Eyring, V., Righi, M., Lauer, A., Evaldsson, M., Wenzel, S., et al., 2016. ESMValTool (v1.0) – a community diagnostic and performance metrics tool for routine evaluation of Earth system models in CMIP, Geosci. Model Dev., 9, 1747-1802, doi:10.5194/gmd-9-1747-2016.
  8. Landschützer, P., Gruber, N., Bakker, D. C. E., Haumann, F. A., Rödenbeck, C., et al., 2015. The reinvigoration of the Southern Ocean carbon sink. Science 349 (6253): 1221-1224. doi:10.1126/science.aab2620
  9. Rödenbeck, C., Bakker, D. C. E., Gruber, N., Iida, Y., Jacobson, A.R., et al., 2015. Data-based estimates of the ocean carbon sink variability – First results of the Surface Ocean pCO2 Mapping intercomparison (SOCOM). Biogeosciences 12: 7251-7278. doi:10.5194/bg-12-7251-2015 .
  10. Williams, N. L., Juranek, L. W., Feely, R. A., Johnson, K. S., Sarmiento, J. L., et al., 2017. Calculating surface ocean pCO2 from biogeochemical Argo floats equipped with pH: an uncertainty analysis, Global Biogeochemical Cycles 31: 591-604.   doi:10.1002/2016GB005541


Contact

Nicolas Metzl (LOCEAN-IPSL, OSU Ecce Terra) : Tél. : 01 44 27 33 94 ou 06 77 47 72 48

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