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Contribution humaine à la canicule record de juillet 2019 en Europe de l'Ouest

02-08-2019

Après la canicule de la dernière semaine de juin 2019, une deuxième vague de chaleur record a frappé l'Europe occidentale et la Scandinavie à la fin du mois de juillet 2019. Des records de température ont été battus. Cette étude évalue comment le changement climatique d'origine humaine a modifié la probabilité et l'intensité de l'événement de juillet ou d'événements similaires.

Après la canicule de la dernière semaine de juin 2019, une deuxième vague de chaleur record a frappé l'Europe occidentale et la Scandinavie à la fin du mois de juillet 2019. En juin, de nouveaux records historiques avaient été atteints dans de nombreux endroits d'Europe occidentale. En juillet, des records ont de nouveau été battus, quoique sur des régions différentes. Là encore, les scientifiques se sont interrogés sur le rôle du changement climatique dans la production de tels événements de grande amplitude.


 

Rang de classement des températures maximales annuelles observées en Europe en 2019 par rapport à 1950 - 2018, basé sur l'ensemble de données E-OBS (Haylock et al., 2008, version 19, étendue avec des mises à jour mensuelles et quotidiennes au 30 juillet 2019). Les données utilisées sont préliminaires et peuvent dans certains cas être invalidées.




Cette étude évalue comment le changement climatique d'origine humaine a modifié la probabilité et l'intensité de l'événement de juillet ou d'événements similaires. Il utilise un grand nombre de simulations climatiques disponibles au moment de l'étude (8 ensembles de 10 à plus de 100 simulations chacun). Nous définissons l'événement comme la classe d'événements dépassant les valeurs observées des températures moyennes journalières moyennées sur 3 jours pour quelques endroits en Europe occidentale. Trois jours consécutifs de températures élevées sont souvent considérés comme la durée minimale pour qu'une vague de chaleur ait des effets potentiels sur la santé.


Nous avons combiné l'information provenant de longues séries d'observations et de simulations de modèles climatiques afin d'obtenir les meilleures estimations des changements de probabilité et d'intensité d'un événement comme (ou plus grave que) les températures extrêmes observées en juillet en Europe occidentale attribuables aux changements climatiques d'origine humaine. Les quelques sites d'observation ont été choisis de manière à inclure la signature d’une grande canicule en juillet et à avoir des enregistrements assez longs et homogènes avec le moins de perturbations dues aux effets des îlots de chaleur urbains. Nous avons utilisé des modèles statistiques de valeurs extrêmes tels que le modèle des valeurs extrêmes généralisées (Generalized Extreme Values model en anglais) et nous les avons appliqués à la fois aux observations et aux simulations. Cela permet d'évaluer (i) la capacité des modèles à simuler les extrêmes et (ii) la façon dont le changement climatique a modifié les probabilités des extrêmes. Les modèles qui ne représentaient pas bien les vagues de chaleur ont été éliminés de l'analyse.


Principales conclusions

  • Une deuxième vague de chaleur record de 3-4 jours a eu lieu en Europe de l'Ouest au cours de la dernière semaine de juillet 2019, avec des températures dépassant les 40 degrés dans de nombreux pays dont la Belgique et les Pays-Bas où des températures supérieures à 40°C ont été enregistrées pour la première fois. Au Royaume-Uni, la durée de vie de l'événement a été plus courte (1 à 2 jours), mais un nouveau record historique de la température maximale journalière a été enregistré, dépassant le record d'août 2003.
  • Contrairement à d'autres vagues de chaleur en Europe de l'Ouest qui ont fait l’objet d’études d’attribution auparavant, cette vague de chaleur de juillet a également été un événement rare dans le climat actuel, au moins en France et aux Pays-Bas. Dans cette région, la période de retour des températures observées, dont la moyenne est calculée sur trois jours, a été estimée de 50 à 150 ans dans le climat actuel. Il est à noter que les périodes de retour des températures varient assez fortement en fonction de la localisation et elles sont donc très incertaines.
  • En combinant les informations des modèles et des observations, nous constatons que de telles vagues de chaleur en France et aux Pays-Bas auraient des périodes de récurrence environ cent fois plus élevées (au moins dix fois) que sans changement climatique. Ainsi, de telles températures auraient eu très peu de chance de se produire sans l'influence humaine sur le climat (périodes de retour supérieures à ~1000 ans).
  • Au Royaume-Uni et en Allemagne, l'événement était moins rare (périodes de retour d'environ 10-20 ans dans le climat actuel). Un tel événement aurait une période de récurrence de quelques dizaines à quelques centaines d’années sans changement climatique.
  • Pour toutes les localisations étudiées, un événement comme celui observé aurait été de 1,5 à 3 ºC plus froid dans un climat inchangé.
  • Comme pour la canicule de juin, nous avons constaté que les modèles climatiques ont des biais systématiques dans la représentation des canicules à ces échelles de temps et qu'ils montrent des tendances d'environ 50 % inférieures aux observations dans cette partie de l'Europe ainsi qu’une variabilité annuelle beaucoup plus élevée que les observations. Les modèles simulent cependant des changements de probabilité très importants.
  • Les vagues de chaleur au plus fort de l'été présentent un risque important pour la santé humaine et sont potentiellement mortelles. Ce risque est aggravé par le changement climatique, mais aussi par d'autres facteurs tels que le vieillissement de la population, l'urbanisation, l'évolution des structures sociales et le niveau de préparation. L'impact complet n'est connu qu'après quelques semaines, lorsque les chiffres de mortalité ont été analysés. Des plans d'urgence efficaces en cas de chaleur, ainsi que des prévisions météorologiques précises, comme celles qui ont été publiées avant cette vague de chaleur, réduisent les impacts et s’avèrent plus importants encore à la lumière l’augmentation des risques. La prévention a pu également être plus efficace grâce aux prévisions très précises de Météo-France, plusieurs jours à l’avance, sur les températures les plus élevées.
  • Il convient de noter que chaque vague de chaleur analysée jusqu'à présent en Europe ces dernières années (2003, 2010, 2015, 2017, 2018, 2018, juin 2019, cette étude) s’est révélée être beaucoup plus probable et plus intense en raison du changement climatique induit par l'homme. De combien plus intense et plus probable dépend très fortement de la définition de l'événement : lieu, saison, intensité et durée. La canicule de juillet 2019 a été si extrême en Europe occidentale continentale que les amplitudes observées auraient été extrêmement improbables sans le changement climatique.

L'étude a été rendue possible grâce à une forte collaboration internationale entre plusieurs instituts et organisations en Europe (DWD, ETHZ, IPSL, ITC/Red Cross/Red Crescent, KNMI, CNRS, CEA, Météo-France, Met Office, Univ. Oxford), dont les équipes ont partagé données et méthodes, et grâce à l'outil Climate Explorer développé par KNMI et les simulations weather@home fournies par les volontaires du réseau climateprediction.net. Il a également été soutenu par le projet de recherche EU ERA4CS "EUPHEME", contrat #690462.






Contact

Robert Vautard , LSCE-IPSL, Tél. : 06.70.32.95.31

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