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Carbon Monitor, un outil pour le suivi quotidien des émissions de CO2 dans le monde

15-12-2020

La pandémie de COVID-19 aura au moins eu un effet bénéfique : réduire les émissions de dioxyde de carbone (CO2) à travers le monde. Afin de suivre cette diminution dans différents secteurs et pays, en particulier pendant les périodes de confinement, une équipe franco-américano-chinoise a mis au point le premier outil de suivi dynamique des émissions de CO2 : Carbon Monitor. Qu’a-t-on appris ? Interview de Philippe Ciais, directeur de recherche au LSCE-IPSL et co-responsable du développement de ce nouvel outil.

En quoi consiste votre projet ?

À l’heure actuelle, le suivi des émissions de gaz à effet de serre et de polluants dans le monde est un suivi statique. Chaque année, les pays produisent des statistiques qui peuvent être comparées à celles de l’année précédente et à celles des autres pays. Nous avons cherché à savoir comment les émissions de CO2 ont évolué depuis le début de la pandémie de COVID-19 dans les différents pays et secteurs. C’est ainsi que nous avons mis au point le premier suivi dynamique et mondial des émissions de CO2.


Cet outil, baptisé Carbon Monitor et basé sur de nouvelles méthodes de recherche et de traitement de données, est capable de calculer les émissions journalières. Toutes les données sont gratuites, publiques et mises à jour grâce à un effort volontaire des chercheurs impliqués dans le projet, en Chine, aux États-Unis et en France, en particulier des jeunes chercheurs. Carbon Monitor définit ainsi un nouveau standard de transparence et de gratuité dans un domaine où les données des publications et des projets ne sont pas toujours facilement accessibles. Cinq articles ont déjà été publiés par notre équipe, notamment dans Nature et Science Advances.


Comment récoltez-vous les données ?

Chaque jour, nous analysons en temps réel les niveaux d’activité des différents secteurs à partir de données de trafic routier, de consommation d’électricité, etc., et les algorithmes de Carbon Monitor transforment ces données d’activité en émissions en temps réel. Pour le trafic automobile, par exemple, nous passons par le navigateur Tomtom qui collecte des données quotidiennes dans de nombreuses villes du monde. Pour le secteur de l’aviation, nous utilisons une base de données avec le positionnement et le type de chaque avion. Au final, nous disposons de données pour 97% des émissions mondiales. Pour les pays qui ne possèdent aucune information à ce sujet (certains pays d’Afrique notamment), nous extrapolons les données à partir d’ indicateurs reflétant le niveau d'action du gouvernement sur les sujets en question.


Quels sont les principaux résultats ?

Les émissions de CO2 ont baissé de 8,8 % sur le premier semestre 2020 par rapport à la même période en 2019. Cela correspond à une baisse de 1551 millions de tonnes de CO2. Jamais une telle baisse n’avait été observée au cours des crises du siècle dernier, même pendant la crise économique de 2008. Par secteur, les réductions les plus importantes proviennent du trafic routier, de l’électricité et de l’industrie. Sans surprise, puisque la Chine est le plus gros pollueur, c’est dans ce pays que la baisse de CO2 est la plus conséquente : 315 millions de tonnes, soit environ la pollution annuelle de la France. Mais certains résultats sont surprenants, notamment le fait que malgré le confinement de 90 % de la population européenne au printemps, la production d’électricité n’a baissé que de 5 %.


Quelles conséquences à court, moyen et long terme ?

Les émissions de CO2 ne sont pas les seules à avoir diminué. Grâce aux observations du satellite Sentinel-5P du programme Copernicus, on a constaté de fortes réductions des concentrations de dioxyde d’azote (NO2) dans l’atmosphère. Ceci a entraîné une nette amélioration de la qualité de l’air à court terme.

 

Les concentrations de dioxyde d’azote au-dessus de la France.

 

Il est difficile d’évaluer l’impact à moyen terme pour le moment car le deuxième confinement n’est pas encore terminé. De plus, les courbes varient beaucoup d’un pays à l’autre. En Chine, les émissions de CO2 sont vite revenues à la normale après le premier confinement, alors qu’aux États-Unis, elles sont encore en dessous de leurs valeurs habituelles. Toutefois, il est certain que des secteurs comme l’aviation ne vont pas retrouver leur niveau d’activité de 2019 tout de suite.

 

 

 

 

À long terme, il faut espérer que les fonds d’investissements pour la relance de l’économie seront orientés vers des solutions bas carbone. Pour rappel, afin d’atteindre les objectifs de l’accord de Paris, l’Union européenne doit réduire ses émissions de gaz à effet de serre d’au moins 40 % d’ici à 2030 par rapport à 1990. Carbon Monitor permet de mieux comprendre l’impact des différents secteurs et les comportements des populations, et pourrait donc être un outil précieux pour atteindre des objectifs climatiques.


Pour en savoir plus


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Source : INSU-CNRS .

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