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Carnet de campagne CARBODISS : Les changements globaux accélèrent-ils la dissolution naturelle des récifs coralliens?

La première mission du projet CARBODISS : "Impacts du changement climatique au cours des dernières décennies sur la dissolution biogénique des carbonates récifaux à Mayotte : Conséquences pour les récifs" est prévue du 7 au 20 octobre 2018. Aline Tribollet, chercheure IRD au LOCEAN-IPSL, coordonne ce projet. Suivons-la au jour le jour et découvrons le quotidien d'une mission de recherche scientifique sous-marine entre Afrique et Ile de Réunion, à Mayotte, plus jeune Département français (créé en 2011).



En raison des changements globaux, dont le réchauffement et l'acidification des océans, les récifs coralliens sont de plus en plus dégradés, affaiblis. Avec des taux de mortalité corallienne en augmentation, les squelettes carbonatés des coraux sont mis à nu et colonisés par différents organismes dont les organismes bioérodeurs comme des microalgues, des éponges et des mollusques perforants. Ces organismes fragilisent la structure récifale, recycle le carbonate de calcium, et alimentent les plages en produisant du sable. Ce processus naturel de dégradation récifale est la bioérosion. Les récifs coralliens se maintiennent et croissent lorsque la pousse des coraux, principaux constructeurs de récifs, est supérieure à la bioérosion.


Le projet CARBODISS vise, dans ce contexte, à déterminer à plus ou moins long terme (année, décennie), les effets des facteurs liés au climat (T°C, pH), combinés ou non à des perturbations locales d'origine anthropique (par exemple les pollutions métalliques) sur la bioérosion récifale et en particulier, le processus de dissolution biogénique des carbonates par les microalgues perforantes (ou bioérodantes). De telles données sont indispensables à la compréhension du cycle des carbonates afin d'améliorer les modèles biogéochimiques permettant de prédire l'avenir des récifs coralliens dans le contexte des changements globaux.


Nous le découvrirons tout au long de ce carnet à Mayotte, au Nord du Canal du Mozambique, où 3 récifs contrastés (fortement anthropisé, acidifié naturellement et sous influence océanique) seront étudiés entre 2018 et 2019 grâce à des approches alliant biologie-écologie récifale, chimie marine, biogéochimie des carbonates et paléoclimatologie.


La majorité des sites d'étude de CARBODISS se trouve au nord de l'ile principale (Grande-Terre), un site se trouve sur l'île secondaire (Petite-Terre).



Jeudi 4 octobre 2018

Vendredi 5 octobre 2018

Lundi 8 octobre 2018

Mardi 9 octobre 2018

Mercredi 10 octobre 2018

Jeudi 11 octobre 2018

Vendredi 12 octobre 2018

Samedi 13 octobre 2018

Dimanche 14 octobre 2018

Lundi 15 octobre 2018

Mardi 16 octobre 2018

Mercredi 17 octobre 2018

Jeudi 18 et vendredi 19 octobre 2018

Mardi 22 octobre 2018

 




Jeudi 4 octobre 2018

A quelques jours du début de la mission, Aline Tribollet vous propose de la suivre sous les eaux lors d'une mission précédente pour mieux comprendre ce qu'est la bioérosion récifale et les objectifs de CARBODISS.


Cliquer sur l'image pour voir la vidéo



Vendredi 5 octobre 2018

Nous préparons une partie du matériel qui va être installé à Mayotte, depuis l'Ile de la Réunion. Des petits blocs de carbonate de calcium pour étudier la bioérosion récifale, en particulier, la dissolution des blocs par les microflores perforantes sont préparés ! L'objectif est d'étudier la dynamique du processus de dissolution biogénique des carbonates par les microflores perforantes avec une résolution bi-mensuelle durant 12 mois. Le matériel utilisé est acheté sur place et constitué de verrines en plastique dur et de résine décorative pour inclure les blocs de carbonate. La semaine prochaine, tous ces petits blocs (2 x 2 x 2 cm environ) seront installés sur des grilles en aluminium et fixés aux 3 récifs étudiés pour être colonisés par les bioérodeurs.


Chaque verrine contient un bloc de carbonate de calcium.


Aline Tribollet en plein préparatifs !





Lundi 8 octobre 2018

Les 3 principaux récifs (sites) d'étude de CARBODISS sont :

- le récif Surprise (pente interne) sous conditions a priori océaniques

- le récif Ile Blanche, sous conditions anthropisées

- le récif cratère , sous conditions acidifiées.


Les sites d'étude de CARBODISS.


Ces sites sont étudiés pour leurs conditions environnementales (physico-chimie), pour la bioérosion existante et pour reconstruire les paléo-climats et conditions océanographiques survenues au cours des dernières décennies.




Mardi 9 octobre 2018

Nous avons effectué le carottage de plusieurs colonies coralliennes massives du genre Porites sur le récif de l'Ile Blanche (anthropisé) et de la Surprise (sous influence océanique). Les plus longues carottes (environ 60 cm) permettront la reconstruction des paléo-températures, -pH, et de l'évolution de la pollution métallique au cours des 50-60 dernières années.


Les différentes sortes de coraux étudiées à Mayotte

  • Le corail scléractiniaire massif du genre Porites est l’un des principaux coraux durs tropicaux constructeurs de récifs coralliens. Il se présente le plus souvent sous la forme de dômes dont le diamètre peut atteindre plus de 6 m (hauteur également) ! Sa croissance est de l’ordre de 1 cm par an (mais cela varie en fonction des zones géographiques, du fait de conditions environnementales différentes). Ainsi une colonie corallienne de Porites de 6 m de hauteur et de diamètre a environ 600 ans. A Mayotte, nous avons pu obtenir des carottes de 50-60 cm de long dans les Porites ce qui nous permettra de reconstruire les paléo-climats et conditions océanographiques (physico-chimiques) au cours de 5 à 6 dernières décennies.

Vue générale de porites au récif Surprise (pente interne)
  • Le corail scléractiniaire massif du genre Diploastrea est également structurant dans les récifs coralliens mais est moins abondant que les Porites. Sa croissance est beaucoup plus lente, de l’ordre de 3 mm par an. Les carottes que nous avons collectées dans ce genre corallien font environ 30 cm de long. Elles vont donc nous permettre de connaître les conditions environnementales dans lesquelles le corail a poussé il y a environ 90 ans !

Massif de corail diploastrea
  • Les coraux massifs sont généralement moins sujet au blanchissement contrairement aux coraux branchus. Ils sont également plus résistants à l’érosion physique (vague, tempêtes) du fait de leur forme massive. Ces coraux sont plus ou moins colonisés de leur vivant par des organismes bioérodeurs : microflores perforantes formant des bandes vertes sous les tissus vivants du corail mais aussi des macro-organismes perforants (ou bioérodants) tels que des éponges et des bivalves. A Mayotte, nous avons observé une abondance très importante des bivalves perforants sur chaque récif étudié (Surprise et Ile Blanche). Ceci indique dors-et-déjà des eaux riches en nourriture (matière organique) permettant la subsistance d’un grand nombre d’organismes filtreurs ou suspensivores tels que les bivalves perforants. Les analyses en chlorophylle a et sels nutritifs nous confirmeront ou non cette hypothèse.

Massif de porites

 

Massif de porites




Les diverses étapes du carottage 


Carottage de la grande colonie à marée basse


Carottage de la petite colonie de porites au récif Surprise


Carotte issue de la grande colonie de Porites (récif Surprise)


Carotte issue de la grande colonie de porites (récif Surprise)


Premières carottes collectées déposées sur l'herbe pour séchage


Bande verte sur carotte due aux microflores perforantes



Mercredi 10 octobre 2018

Poursuite des carottages avec cette fois-ci un petit carottier (carottes d'environ 10 cm de long), sur d'autres récifs situés sur la radiale Ile Blanche-Surprise, et notamment à la Prévoyante.



Massif de porites carotté au récif Surprise



Parmi toutes les carottes coralliennes collectées, ci-dessous une carotte de Diploastrea collectée au récif Surprise (pente externe). Elle mesure environ 25 cm et nous permettra de reconstruire les paléo-températures, pH et éventuelles pollutions métalliques au cours des 75 dernières années environ !  Les résultats issus de cette carotte seront comparés à ceux qui seront obtenus à partir des carottes qui seront collectées lors de la prochaine campange CARBODISS dans les Iles Eparses en avril 2019.



Carotte Diploastrea (récif Surprise pente externe)



Jeudi 11 octobre 2018

Installation des grilles en aluminium avec les blocs de carbonate sur le récif de l'Ile Blanche et de la Surprise pour étudier la bioérosion récifale.






Vendredi 12 octobre 2018

Poursuite des petits carottages.



Samedi 13 octobre 2018

Nous partons à 4h du matin du port de Petite-Terre pour être sur le site de l'Ile Blanche avant le lever du soleil pour caractériser le récif (conditions physico-chimiques) de nuit. Pour caractériser les sites d’étude, nous avons décidé de suivre de nombreux paramètres physico-chimiques dans l’eau de mer durant 16h (soit de 4h du matin à 20h) :


- la température, la salinité et la fluoresence de l’eau de mer ont été suivies en continu grâce à une CTD, sonde multicapteurs (la fluorescence permet de quantifier indirectement la chlorophylle a dans l'eau).


- le pH, l’alcalinité, les sels nutritifs (phosphates, nitrites-nitrates et ammonium, silicates), la chlorophylle a (principale forme de chorophylle présente chez les organismes qui mettent en oeuvre la photosynthèse, c'est en effet le pigment le plus abondant, indicateur de la quantité de phytoplancton présente dans l’eau ) et les métaux traces seront déterminés après analyses d’échantillons d’eau prélevés sur site toutes les 2h.


Il sera alors possible de déterminer si l’un ou plusieurs de ces paramètres environnementaux contrôlent la bioérosion récifale. En outre, certains des paramètres mesurés permettront de calibrer les proxys géochimiques qui seront étudiés dans les carottes coralliennes (mesures de température, salinité et pH).


Nous prenons des échantillons d'eau pour l'étude du pH, alcalinité, sels nutritifs, chl a et les métaux lourds. Des sédiments de surface sont collectés pour déterminer la pollution en produits dérivés du pétrole, les hydrocarbures aromatiques polycycliques (HAP, constituants naturels du charbon et du pétrole, ou qui proviennent de la combustion incomplète de matières organiques telles que les carburants. Ils sont présents dans l'air, l'eau ou l'alimentation).



Prise d'échantillons en bateau à Ile-Blanche



Dimanche 14 octobre 2018

Repos et analyses des échantillons de pH à l'hotel !



Lundi 15 octobre 2018

Départ à 4h du matin pour cette fois-ci caractériser le récif de la Surprise où ont été carottés les coraux et où une grille a été installée pour l'étude de la bioérosion. Les mêmes paramètres physico-chimiques sont suivis qu'à l'Ile Blanche.




Mardi 16 octobre 2018

Repos et analyses des échantillons de pH à l'hôtel.


L'après midi, mes collègues et moi rencontrons avec les partenaires du Centre Universitaire de Formation et de Recherche de Mayotte ( CUFR) à Dembeni (Grande-Terre). L' UMR MARBEC , représentée par Thomas Claverie , est impliquée dans le projet pour déterminer les principaux poissons perroquets brouteurs sur les récifs étudiés (c'est un des volets de CARBODISS-2 en 2019 en attente de financement).



Mercredi 17 octobre 2018

Nous prévoyons des petits carottages dans des colonies de Porites si nous en trouvons au récif Cratère et l'installation d'une expérience pour étudier la bioérosion. En parallèle, les paramètres physico-chimiques de l'eau seront suivis (échantillons d'eau et de sédiments de surface). Sur ce site, nous sommes contraints par la marée qui limite l'accès au récif (suivi durant uniquement 3-4h à marée haute).



Jeudi 18 et vendredi 20 octobre 2018

Avant le départ vers Paris, nous devrons emballer les échantillons pour les ramener, débriefer avec le Parc Naturel Marin de Mayotte , partenaire du projet, sur (i) ce qui a pu être accompli durant cette semaine et demie et (ii) discuter de la préservation des blocs de coraux qui seront collectés tous les 2 mois environ sur les 3 récifs étudiés, afin de mieux comprendre la dynamique du processus de bioérosion, et en particulier de la dissolution des carbonates par les microflores perforants.



Mardi 22 octobre 2018

Notre mission sur le terrain s'est terminée dimanche 21. Nous sommes depuis hier, lundi 22 octobre, à la Réunion où nous rencontrons les responsables des TAAF pour l’organisation de la prochaine mission/expédition : ce sera aux Iles Eparses avec le Marion Dusfrene, en avril 2019 ! Au programme de la mission, collectes d’échantillons et installation d’expériences bioérosion identiques à celles de Mayotte afin d'avoir une vue générale du réchauffement et de l’acidification de l’océan et de leurs effets sur les coraux et bioérodeurs à l’échelle du Canal du Mozambique. Nous repartons vers Paris demain.


Rendez-vous dans quelques mois pour la suite de CARBODISS !



En savoir plus sur CARBODISS


Texte et photos : Aline Tribollet (LOCEAN-IPSL)

Edition et mise en page : Isabelle Genau (ICoM - Service de communication IPSL)