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Notre avenir commun face au changement climatique - Déclaration finale

15-07-2015

Les scientifiques posent des bases solides pour que les gouvernements prennent des décisions ambitieuses lors de la COP 21 et au-delà.

La conférence scientifique « Notre avenir commun face au changement climatique » (Our Common Future under Climate Change – CFCC15 1 ) couvre tous les domaines scientifiques relatifs au changement climatique. Avec près de 2 000 participants originaires d’une centaine de pays, la CFCC15 est la plus grande conférence scientifique internationale organisée avant la COP 21 de Paris. Elle fait le point sur l’état actuel des connaissances concernant tous les aspects du changement climatique, et passe en revue l’ensemble des options d’atténuation et d’adaptation susceptibles d’offrir des solutions durables et équitables à tous les pays et toutes les régions.


Le principal objectif de la COP 21, qui se tiendra en décembre 2015, est d’instaurer un cadre de coopération entre gouvernements destiné à assurer une croissance constante de l’ambition individuelle et collective, en vue de relever le défi du changement climatique. Le nouveau régime de gouvernance climatique doit renforcer la confiance, soutenir la mise en œuvre des politiques et des mesures, maximiser les bénéfices de la coopération internationale et consolider la prise de conscience qu’un nouveau modèle de développement est en train d’émerger (à émissions de carbone faibles ou nulles, et résilient au changement climatique). Pour les scientifiques, il ne s’agit plus seulement d’évaluer les risques et les possibilités d’action. Ils sont également amenés à étudier et faciliter les différentes modalités de transition vers des économies et des sociétés durables et résilientes.


La présente déclaration résume le socle scientifique qui servira de base à l’action climatique, en s’appuyant sur les connaissances actuelles des solutions et des problèmes.

Le changement climatique est un défi majeur du 21e siècle. Ses causes sont profondément ancrées dans la façon dont nous générons et utilisons l’énergie, produisons nos aliments, aménageons les territoires et consommons plus que nécessaire. Ses effets sont susceptibles d’affecter toutes les régions de la Terre, tous les écosystèmes et de nombreux aspects des activités humaines. Les solutions exigent un engagement audacieux envers notre avenir commun.


Étant donné que le réchauffement induit par le CO2 se poursuit pendant plusieurs siècles, toute limitation de celui-ci à une température maximale implique que les émissions de CO2 doivent finir par retomber à zéro. Il y a deux chances sur trois de pouvoir contenir le réchauffement à 2°C ou moins si on limite les émissions de CO2 à 900 milliards de tonnes, soit près de 20 fois la quantité émise pendant la seule année 2014. Pour limiter le réchauffement à 2 °C, les émissions devront être nulles, voire négatives, à la fin du 21e siècle.


Il est nécessaire que les politiques intelligentes en matière de gestion et de réduction des risques liés au changement climatique soient justes et tiennent compte de l’importance de l’histoire, des capacités de chacun, d’une répartition équitable des financements et de la richesse de l’expérience humaine. L’année 2015 est cruciale pour réaliser des progrès. Les possibilités de trouver des solutions réalisables sur le plan économique et offrant une perspective raisonnable de limiter le réchauffement à un maximum de 2 °C diminuent rapidement.


Chaque pays a un rôle à jouer. L’adoption de mesures ambitieuses en 2015 peut se révéler déterminante pour assurer notre avenir commun au sein d’économies durables et robustes, de sociétés équitables et de communautés dynamiques.


La science constitue le socle sur lequel il convient de s’appuyer pour prendre des décisions intelligentes lors de la COP 21 et dans la période qui suivra. Répondre au défi que pose le changement climatique exige de l’ambition, du dévouement et de la volonté, non seulement de la part de la communauté scientifique, mais aussi de la part des gouvernements, du secteur privé et de la société civile.


Nous, représentants de la communauté scientifique, sommes tout à fait déterminés à analyser tous les aspects du problème, à aligner le programme des recherches sur les possibilités de solution, à informer le public et à soutenir le processus politique.  




L’ESPACE DES SOLUTIONS 

  1. Un objectif ambitieux d’atténuation permettant de limiter le réchauffement à moins de 2 °C au-dessus des niveaux préindustriels est possible sur le plan économique. Mais tout retard dans la réduction drastique des émissions, tout attentisme de la part de certains pays ou toute exclusion de certaines technologies énergétiques propres entraîneront l’augmentation des coûts et de la complexité des mesures. Les stratégies d’atténuation visant à limiter le réchauffement à 2 °C et présentant un bon rapport coût-efficacité nécessitent une réduction des émissions de gaz à effet de serre de 40 à 70 % par rapport aux niveaux actuels d’ici 2050.
  2. Les mesures d’atténuation des prochaines décennies seront essentielles pour déterminer l’importance du réchauffement à long terme et des risques associés. Mais même avec une politique d’atténuation ambitieuse, une grande partie des changements climatiques observés au cours des prochaines décennies sera inévitable en raison des processus climatiques et du cycle d’exploitation normal des technologies et des infrastructures en place. L’adaptation à court et long termes permettra certes de se préparer aux risques que présentent des impacts inévitables, mais elle a ses limites.
  3. Les investissements dans des mesures d’adaptation et d’atténuation du changement climatique peuvent offrir un grand nombre d’avantages connexes en renforçant la protection contre la variabilité climatique actuelle, en réduisant les dommages causés par la pollution de l’air et de l’eau, et en favorisant le développement durable. Les réponses intelligentes au changement climatique, conçues pour maximiser les bénéfices connexes et minimiser les effets indésirables, peuvent faire partie d’une stratégie intégrée de développement inclusif et durable.
  4. Un objectif ambitieux d’atténuation nécessitera toute une série de mesures, parmi lesquelles des investissements dans la recherche, le développement et le transfert de technologies ; l’élimination progressive des subventions aux énergies fossiles ; et la mise en place d’une tarification du carbone. La tarification du carbone permet de mettre sur un pied d’égalité les différentes technologies énergétiques en faisant payer pour les dégâts causés par le changement climatique et en récompensant les autres bénéfices découlant des activités d’atténuation.
  5. D’ici la fin du siècle, les investissements mondiaux dans l’énergie et les infrastructures énergétiques représenteront plusieurs milliers de milliards de dollars. L’investissement supplémentaire nécessaire à la transition vers une énergie propre peut représenter une petite fraction de ce montant. Par une mise en œuvre efficace, ce surcoût peut largement contribuer à une croissance économique inclusive et durable. 
  6. Il est plus simple de réduire les émissions des gaz retenant la chaleur dans certains secteurs que dans d’autres. Il est par exemple plus facile d’agir sur la diminution de la déforestation, l’efficacité énergétique, la production d’électricité, les bâtiments et les voitures. Cela devient plus complexe dans les domaines de l’aviation, du transport routier, des navires de haute mer et de l’agriculture. Les technologies à fort potentiel concernent la gestion de la demande, l’efficacité énergétique, l’énergie solaire et éolienne, la bioénergie et le nucléaire : toutes présentent des possibilités de progrès majeurs. Une meilleure gestion de la planète offre de grandes opportunités, non seulement pour le climat mais aussi pour les services écosystémiques et la biodiversité.


L’ESPACE DES PROBLÈMES

  1. Le réchauffement du système climatique est sans équivoque. Jusqu’à présent, il est en grande partie imputable aux activités humaines.
  2. Les impacts des changements climatiques qui se sont déjà fait sentir sont largement répandus et de grande ampleur. Ils touchent tous les continents, de l’équateur aux pôles et des montagnes aux côtes. Les changements climatiques contribuent à une grande variété de conditions extrêmes : vagues de chaleur, pluies torrentielles, incendies, sécheresses, fonte des neiges et des glaces. Ils font obstacle à l’augmentation des rendements agricoles et modifient les implantations géographiques et les activités des plantes et des animaux, que ce soit sur terre, dans les lacs et les rivières, ou dans les océans.
  3. Les populations et les régions du monde entier sont vulnérables et exposées au changement climatique, mais les risques diffèrent selon les endroits. La vulnérabilité est particulièrement élevée dans les régions où la pauvreté, les inégalités, le manque d’infrastructures et une gouvernance inefficace s’additionnent et limitent ainsi les possibilités d’action.
  4. Un niveau élevé d’émissions de gaz à effet de serre augmente les risques d’impacts graves, généralisés et irréversibles. Les risques pour les personnes, les économies et les écosystèmes seront tous beaucoup plus importants dans un monde où les émissions resteraient élevées et où le réchauffement climatique pourrait atteindre 4 °C ou plus au-dessus des niveaux préindustriels d’ici la fin du siècle, par rapport à un monde où les efforts d’atténuation seraient ambitieux. Les risques les plus préoccupants concernent les impacts sur la sécurité de l’approvisionnement en eau et en nourriture, la santé et le bien-être des personnes, la biodiversité et les services écosystémiques, les inégalités et la pauvreté, les cultures rares, les activités économiques et les infrastructures, et le franchissement de seuils majeurs en ce qui concerne le niveau de la mer, la biodiversité et les rétroactions climatiques.

 

Les signataires


Le Comité scientifique de Notre avenir commun face au changement climatique :

  • Chris FIELD (GIEC, USA) - Président
  • Philippe CIAIS (LSCE, France)
  • Wolfgang CRAMER (IMBE, France)
  • Purnamita DASGUPTA (IEG, Inde)
  • Ruth DEFRIES (Université Columbia, USA)
  • Navroz DUBASH (CPR, Inde)
  • Ottmar EDENHOFER (PIK, Allemagne / GIEC, USA)
  • Michael GRUBB (University College de Londres, Royaume-Uni)
  • Jean-Charles HOURCADE (CNRS, France)
  • Sheila JASANOFF (Harvard Kenny School of Government, USA)
  • Kejun JIANG (Université de technologie de Nanyang, Chine)
  • Vladimir KATTSO (MGO, Russie)
  • Hervé LE TREUT, France (CNRS-UPMC, France)
  • Emilio LEBRE LA ROVERE (Université fédérale, Brésil)
  • Valérie MASSON-DELMOTTE (LSCE/IPSL, France)
  • Cheik MBOW (ICRAF, Kenya)
  • Isabelle NIANG-DIOP (IRD, Sénégal)
  • Carlos NOBRE (SEPED/MCTI, Brésil)
  • Karen O’BRIEN (Université d’Oslo, Norvège)
  • Joe JACQUELINE PEREIRA (Université Kebangsaan, Malaisie)
  • Shilong PIAO (Université de Pékin, Chine)
  • Hans OTTO PÖRTNER (Institut Alfred Wegener, Allemagne)
  • Monika RHEIN (Université de Brême, Allemagne)
  • Johan ROCKSTRÖM (Université de Stockholm, Suède)
  • Hans Joachim SCHELLNHUBER (PIK, Allemagne)
  • Robert SCHOLES (Université du Witwatersrand, Afrique du Sud)
  • Pete SMITH (Université d’Aberdeen, Royaume-Uni)
  • Youba SOKONA (Centre Sud, Suisse)
  • Jean-François SOUSSANA (INRA, France)
  • Mark STAFFORD-SMITH (Future Earth, Australie)
  • Thomas STOCKER (Université de Berne, Suisse)
  • Laurence TUBIANA (IDDRI, France)
  • Diana ÜRGE-VORSATZ (Université d’Europe centrale, Hongrie)
  • Penny URQUHART (analyste indépendante, Afrique du Sud)
  • Carolina VERA (Université de Buenos Aires, Argentine)
  • Alistair WOODWARD (Université d’Auckland, Nouvelle-Zélande)

Les Présidents du Comité d’organisation et du Haut Conseil :

  • Hervé Le Treut
  • Jean Jouzel

Les organisateurs internationaux :

  • UNESCO
  • Future Earth
  • ICSU (Président : Gordon McBean)



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