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Première estimation journalière de la distribution tridimensionnelle de poussières désertiques dans l’atmosphère à partir de données satellitaires

15-07-2015

Pour la première fois, la distribution tridimensionnelle, dans l’atmosphère, de poussières désertiques a pu être estimée à l’échelle journalière et de manière continue, au-dessus des continents et des mers, uniquement à l’aide des données spatiales. Ce résultat inédit a été obtenu grâce à une nouvelle méthode développée par des chercheurs du Laboratoire interuniversitaire des systèmes atmosphériques 1 (LISA-IPSL), en collaboration avec des chercheurs du Laboratoire Atmosphères, Milieux, Observations Spatiales 2 (LATMOS-IPSL), du Karlsruhe institut für technologie (KIT, Allemagne) et du Langley research center (LaRC, NASA). Cette méthode utilisant les mesures du sondeur IASI dans l’infrarouge thermique va permettre d’améliorer notre connaissance sur le cycle de vie des poussières désertiques, les processus physiques qui l’affectent et l’impact des poussières sur l’environnement et le climat.

Les poussières désertiques sont une composante majeure du climat et de l’environnement, dont les impacts dépendent directement de leur distribution tridimensionnelle dans l’atmosphère. En effet, les couches de poussières modifient les bilans radiatifs et chimiques, la stabilité atmosphérique et les propriétés des nuages en fonction de l’altitude à laquelle elles sont transportées. Quand elles sont proches de la surface, soit elles dégradent la qualité de l’air et la visibilité, soit elles se déposent sur la surface, affectant respectivement les activités humaines et l’équilibre biogéochimique. À l’heure actuelle, ces impacts demeurent très mal quantifiés, compte tenu de la très grande variabilité spatio-temporelle de la distribution 3D des poussières et le caractère très sporadique de leurs émissions et transport dans l’atmosphère.
Depuis plusieurs années, la télédétection spatiale joue un rôle clé dans la caractérisation de l’évolution spatio-temporelle des poussières désertiques. Cependant, jusqu’à présent, elle ne permettait de décrire à l’échelle journalière que leur distribution 2D sur l’horizontale ou leur répartition verticale mais avec une représentativité horizontale limitée. Ainsi, les profils verticaux de poussières obtenus grâce au lidar spatial CALIOP ne sont mesurés que sous les traces du satellite (deux traces successives étant séparées d’environ 2000 km aux latitudes moyennes). Quant aux profils déduits des mesures des sondeurs dans l’infrarouge thermique, ils ne restituaient jusqu’à présent que les structures des panaches de poussières situés au-dessus de la mer.

Afin d’observer la distribution 3D des poussières au-dessus de toutes les surfaces, des chercheurs du LISA, en collaboration avec le LATMOS, le KIT et le LaRC, ont développé une nouvelle approche, appelée AEROIASI. Celle-ci permet pour la première fois de restituer, pour chaque pixel non-nuageux du sondeur IASI 3 dans l’infrarouge thermique (distants horizontalement de 25 km au nadir), au-dessus aussi bien des continents que des mers, de jour et de nuit, le profil vertical du coefficient d’extinction des poussières à 10 μm, donnant accès à une représentation 3D du profil vertical de poussières. L’information sur la répartition verticale des poussières est déduite de leur émission de rayonnement thermique, qui dépend directement de leur température et donc de l’altitude des couches atmosphériques dans lesquelles elles sont situées. Cette approche est en outre auto-adaptative ce qui lui permet d’être fonctionnelle quels que soient la température de la surface terrestre, les conditions météorologiques et le contenu en poussières de l’atmosphère.

Les profils obtenus avec cette méthode sont en très bon accord avec ceux mesurés par le lidar CALIOP. Il en est de même des altitudes des milieux et des sommets des couches de poussières qui montrent un faible biais moyen et une bonne précision par rapport celles mesurées par CALIOP. (c’est un accord entre les profils et aussi entre les altitudes des milieux et des sommets des couches. Oui, mais il me semblait que accord des profils avait pour conséquence accord des altitudes)


AEROIASI a permis de décrire avec un détail sans précèdent la distribution tridimensionnelle d’un épisode majeur de transport de poussières désertiques issues des déserts de Gobi et du nord de la Chine au début de mars 2008. Ayant focalisé leur analyse sur le transport vertical des panaches de poussières lors du transport à travers l’Asie de l’est et sur le rôle du mélange vertical dans la couche limite atmosphérique, les chercheurs ont pu mettre en évidence que :

  • dans les régions où la couche de mélange était peu développée (au-dessus de Pékin et de la mer Jaune), les poussières étaient transportées en altitude sans atteindre la surface ;
  • dans les régions où la couche de mélange était suffisamment développée pour atteindre la couche de poussières (au-dessus de la Corée, de la Chine centrale et de la mer du Japon), la turbulence provoquait l’érosion de la couche de poussières et le mélange des poussières jusqu’à la surface, dégradant fortement la qualité de l’air et la visibilité.

Les chercheurs ont également pu évaluer les aptitudes du modèle de chimie-transport CHIMERE à simuler la distribution 3D des poussières désertiques.

Cette nouvelle approche  sera utilisée pour étudier le cycle de vie des poussières désertiques en lien avec les processus dynamiques qui l’affectent, pour quantifier les impacts sur l’environnement des poussières issues des principales sources, telles que le désert du Sahara, pour réaliser les exercices d’inter-comparaisons des produits satellitaires du projet européen CCI-Aerosols 4 , ainsi que pour évaluer ou corriger les modèles de chimie-transport CHIMERE et MOCAGE.

Ces travaux ont bénéficié du soutien financier du CNES, de l’UPEC, du CNRS et du Programme national de télédétection spatiale (PNTS / CNRS-INSU, CNES, IRD, Météo-France et IGN), ainsi que de la mise à disposition des données de Eumetsat par le pôle thématique Atmosphère (CNRS-INSU et CNES).


Répartition 3D des poussières désertiques en Asie de l’est le 2 mars 2008, restituée par la nouvelle approche AEROIASI utilisant des mesures du sondeur IASI dans l’infrarouge thermique. Les zones blanches correspondent aux zones nuageuses.



Notes

  1. Le LISA est un laboratoire de l'OSU EFLUVE dont les tutelles sont le CNRS, l'UPEC et l'Université Paris Diderot. Il fait partie de l'Institut Pierre-Simon Laplace.
  2. Le LATMOS est un laboratoire de l'OSU Ecce Terra dont les tutelles sont le CNRS, l'UPMC et l'UVSQ. Il fait partie de l'Institut Pierre-Simon Laplace.
  3. Développé par le CNES, IASI (Infrared atmospheric sounding interferometer) est embarqué sur la série de satellites MetOp (en orbite depuis 2006 avec MetOp-A, 2012 avec MetOp-B et prévue jusqu’en 2022 avec MetOp-C)
  4. Le projet Aerosol-CCI (Climate change initiative) de l’Agence spatiale européenne a pour objectif la production d’une base de données globale des produits satellitaires "aérosols" obtenus à partir des instruments satellitaires européens.


Source

Cuesta, J., Eremenko, M., Flamant, C., Dufour, G., Laurent, B., Bergametti, G., Höpfner, M.,; Orphal, J. and Zhou, D. : Three-dimensional distribution of a major desert dust outbreak over East Asia in March 2008 derived from IASI satellite observations. J. Geophys. Res., 120, doi:10.1002/2014JD022406 , 2015



Contact

Juan Cuesta , LISA, Tél. : 01 45 17 65 55

 

Source : INSU-CNRS

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